Le Trochiscanthe nodiflore [TN]
n°504 (2016-04)
mardi 26 janvier 2016
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Vache et Chapelle Courvières (Haut-Doubs) samedi 7 novembre 2015
Courvières (Haut-Doubs) samedi 7 novembre 2015 Courvières (Haut-Doubs) samedi 7 novembre 2015 Feuilles de Nerprun
des Alpes Chevaux,
au bord du Doubs
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs) dimanche 8 novembre 2015 Carline
Pontarlier, Larmont (Haut-Doubs) dimanche 8 novembre 2015 Gentiane
printanière
Pontarlier, Larmont (Haut-Doubs) dimanche 8 novembre 2015 Mont
d'Or (Haut-Doubs)
lundi 9 novembre 2015 Hêtre
Mont d'Or (Haut-Doubs) lundi 9 novembre 2015 Forêt Mont d'Or (Haut-Doubs) lundi 9 novembre 2015 Frasne (Haut-Doubs) mercredi 11 novembre 2015 Saule à 5 étamines - Salix pentandra dans la lumière du soir... Frasne (Haut-Doubs) mercredi 11 novembre 2015 Bouleau
Frasne (Haut-Doubs) mercredi 11 novembre 2015
Trembre
et oiseau (Grive ?)
BrumeFrasne (Haut-Doubs) mercredi 11 novembre 2015 Lac de Saint-Point (Haut-Doubs) jeudi 12 novembre 2015 Port-Titi Lac de Saint-Point (Haut-Doubs) jeudi 12 novembre 2015 Toile presque
givrée
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs) jeudi 12 novembre 2015
Feuille de
Saule marsault Lac de Saint-Point (Haut-Doubs) jeudi 12 novembre 2015 Port-Titi II
EauLac de Saint-Point (Haut-Doubs) jeudi 12 novembre 2015 Lac de Saint-Point (Haut-Doubs) jeudi 12 novembre 2015 Hêtre Framboisier
Epilobe hirsuteLac de Saint-Point (Haut-Doubs) jeudi 12 novembre 2015 Lac de Saint-Point (Haut-Doubs) jeudi 12 novembre 2015
Soirée Courvières (Haut-Doubs) dimanche 15 novembre 2015
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mardi 10 décembre 2013
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mardi 20
janvier 2015 |
" Les
Corbeaux
Les sables bitumineux sont le deuxième
gisement Stephen Harper, Nous étions
arrivés au bout du monde par la seule route
possible, la 63, l' « autoroute
de la mort » comme on l'appelle ici,
tant elle est fréquentée, étroite, et glissante ;
belle aussi, perdue et perdante, et qui s'enfonce à
plus de 400 kilomètres de la dernière ville digne de
ce nom : Edmonton, Alberta. Pour prendre la mesure de la démesure brandie par le premier ministre Harper dès sa prise de pouvoir au Canada, il suffit de rester sur cette autoroute 63 et de suivre les autobus. Dedans, des invisibles. La population fantôme, 40 000 travailleurs de l'ombre qui vont et viennent du monde entier, débarquent sur des pistes d'atterrissage privées, de jour comme de nuit, été comme hiver, déposés là par Shell Aviation, Suncor Airlines, Enerjet ou North Cariboo Air, en route pour les camps de travail des champs de pétrole. Ces hommes sont à la fois riches et exténués. Le BlackSand Camp est l'un de ces camps, 666 chambres pour les cadres et 736 pour les ouvriers ; un camp modèle pratiquant les tarifs de l'industrie : 250 dollars la nuit pour 3 mètres carrés. Le BlackSand Camp est mobile, bâti sur des roulottes dont on masque les roues par des jupettes pour les executive rooms, avec clim en surchauffe dans les singles pour ouvriers. Au fur et à mesure que l'homme dévore la forêt boréale, le camp peut avancer. Tout y est modulaire, distribué le long d'un couloir central (le Arctic Corridor) : une cantine, un lobby, des sanitaires, des salles de gym, et un poster Merry Christmas qui se décroche dans la salle de jeux. Cette nuit-là, deux Somaliens ont bien voulu puiser dans leurs dernières ressources pour nous raconter leur long voyage. Un cousin leur avait causé de l'Eldorado, ils sont venus et ont évité le pire : la Somalian Connection, comme l'appellent les flics d'Edmonton. Des gars qu'on envoie au casse-pipe pour remplir de crack ou de coke les fins de journée des travailleurs fatigués. Sur la 63, certains dealers se font pincer, quelques-uns sont criblés de balles avant d'arriver à destination, d'autres finissent petits revendeurs, downtown Fort McMurray. Le gérant du camp nous a de son côté assuré que tout était fait pour éviter les trafics, dans la ville comme sur les champs de pétrole. Il nous a expliqué comment les gardes traquent les fausses canettes de Pepsi qu'on dévisse pour y glisser on ne sait quelle substance, et il n'a trop rien dit quand nous avons évoqué les rumeurs selon lesquelles des cuisiniers de certains camps avaient été pris la main dans le sac, et de la coke dans leur paquet de café. Oui, il avait également entendu parler du trafic d'urine propre en ville, pour déjouer les dépistages à l'embauche. On s'occupe de tout, de A à Z. Les compagnies nous confient leur personnel. Elles le veulent heureux, productif et bien reposé le matin. A nous de gérer. David Woods, responsable du BlackSand CampAu petit matin, après une nuit passé dans les lieux, nous avons compris : cette population fantôme est le prix que l'industrie consent à payer pour régner. Ces hommes sans attaches, nourris et blanchis à prix d'or, et aux dollars sans limites, se moquent bien de l'étendue blanche qu'ils retournent. Cette région n'est pas la leur. Ils la creusent et la survolent. Qui pourrait leur en vouloir ? Ils ne votent pas, ne s'impliquent pas. C'est le pacte. Le douanier C'est à la douane que tout a commencé, un jour de février 2011. Ma petite famille et moi venions de quitter la France pour le Canada. A notre arrivée, l'agent de l'immigration avait dit à mon plus jeune fils qui babillait : « Tu fais la jasette, toi ! » Huit mois plus tard, notre nouveau pays devenait le premier Etat au monde à se retirer du protocole de Kyoto sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. La raison, c'était précisément cette ville-champignon, là où l'autoroute 63 se perd, au nord de l'Alberta, riche en milliards de barils de pétrole : Fort McMurray, le trésor de guerre du Canada, une région de la taille de la Floride, plus vaste que la Hongrie, le site industriel le plus étendu de la planète. Une ville qui raconte notre monde et qui allait devenir mon deuxième chez moi, trois hivers durant, au coeur d'une quête : jusqu'où la démocratie peut-elle se plier aux lois du marché ? Et, nous, à notre dépendance à l'or noir ? Ces trois années, ce serait essentiellement ça : faire la jasette ; et creuser une question obsédante : la démocratie est-elle soluble dans le pétrole ? De mes voyages,
j'ai fait un jeu documentaire sur le web avec mon
complice de toujours, Philippe Brault. Des centaines
de milliers de personnes avaient pris le contrôle
virtuel de la ville, surnommée par tous ici, ou
presque, Fort Mc Money..." |
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