Le Trochiscanthe nodiflore
[TN]
n°491 (2015-42)
mardi 27 octobre 2015
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
explications sur le nom de cette
lettre : [ici]
ou [ici]
Si cette page ne s'affiche pas
correctement, cliquez [ici]
Pour regarder et écouter,
|
Château de Joux La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs) samedi 3 octobre 2015 Chamois
femelle
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs) samedi 3 octobre 2015
Cabri de
Chamois
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs) samedi 3 octobre 2015
Dégustation de feuilles de
Noisetier
Cachés !La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs) samedi 3 octobre 2015 La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs) samedi 3 octobre 2015 Dans le
pierrier
Etagne
devant la mer de nuagesLa Cluse et Mijoux (Haut-Doubs) samedi 3 octobre 2015 Creux du Van (Suisse) samedi 24 octobre 2015 Creux du Van
(Suisse)
samedi 24 octobre 2015 Etagne (portrait) Creux du Van (Suisse) samedi 24 octobre 2015 Creux du Van (Suisse) samedi 24 octobre 2015
Creux
du Van (Suisse)
samedi 24 octobre 2015
|
"La
lumière
froide de l'aube caresse les rochers, fait miroiter
les aplats, s'étend lentement vers les grottes
qu'elle lèche sans parvenir à y pénétrer. A
l'intérieur, c'est une nuit éternelle, la terre
noire et glacée, un filet d'eau échappé du fleuve
clapote, il fait frais, même en plein été, quand le
soleil chauffe à blanc les haubans du pont et
accable les corps qui osent l'emprunter. Aucune
route ne mène à la passerelle, il faudrait escalader
la roche à mains nues, se hisser jusqu'au sommet et
entamer la traversée d'un point à l'autre, de
l'hôpital vers la ville, mais pourquoi s'obstiner à
grimper sur le pont s'il n'y a pas d'accès, autant
pénétrer dans les gorges érodées par l'eau,
patiemment, durant des dizaines de milliers
d'années, l'eau du fleuve se fiche du temps qui
passe, elle est le temps, se moque de savoir que le
pont l'enjambe, il n'existe que pour le les hommes
qu'il faut mener du départ vers l'arrivée, sans
cesse, la traversée dure dix minutes ou une vie.
Jacob rejette la tête en arrière pour préparer son
ascension, des ombres perturbent sa vision, il
cherche en vain leur origine, c'est la vieillesse,
pense-t-il, qui projette des taches brunes devant
ses yeux, mais un frôlement sur ses cheveux
l'alerte, des oiseaux volent au-dessus de lui,
formant une couronne noire et mouvante. Jacob prend
appui dans les cavités de la paroi, s'agrippe à des
excroissances, il aime défier les rochers, tendre
son corps toujours plus haut, mais son agilité a
disparue, il est lourd, mesure le chemin parcouru
depuis ce qui lui paraît des heures, quelques mètres
à peine, il ne gagnera jamais le sommet, il est si
las qu'il est prêt à y renoncer, après tout, il
pourrait remonter le fleuve jusqu'aux piscines d'eau
chaude, s'immerger dans la béatitude, mais une
nécessité angoissante lui intime l'ordre d'atteindre
le pont entre terre et ciel, entre les deux
falaises, à l'endroit précis où une fissure lézarde
le tablier de métal. C'est le soleil qui m'aveugle,
songe-t-il, tandis que le pont se fend en deux dans
un silence ouaté, les haubans s'arrachent en
douceur, tels des fils de soie, le ciel semble
s'ouvrir, appelant les oiseaux vers un autre
horizon, ils disparaissent dans un sillage noir. Ce
sont eux, se dit Jacob, eux qui l'ont détruit en
cisaillant les câbles avec leur bec. Ecrasé par un
poids invisible, il se laisse glisser le long de la
paroi, s'écorche les mains, les lèche jusqu'à plus
soif, un goût fade de sang envahit sa gorge, le lit
du fleuve est vide, sec, ne demeure plus qu'une
longue cicatrice à sa place, un ruban de terre
craquelée vérolé par des traînées de cailloux..."
Valérie
Zenatti - Jacob, Jacob
|
|