Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°485 (2015-36)

mardi 15 septembre 2015

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Dietrich Buxtehude
Alles was ihr tut mit Worten oder mit Werken,
Cantate BuxWV 4

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Jeunes Grands Corbeaux, cabris de Chamois...
Mont d'Or (Haut-Doubs)
mai et août 2015



Alpage
Mont d'Or (Haut-Doubs)
lundi 25 mai 2015


Chalet de la Vermode
et forêt du Risoul

Mont d'Or (Haut-Doubs)
lundi 25 mai 2015



Rougequeue noir
femelle

Mont d'Or (Haut-Doubs)
lundi 25 mai 2015

Grand Corbeau (jeune ?)
Mont d'Or (Haut-Doubs)
lundi 25 mai 2015



Pinson des arbres mâle
Mont d'Or (Haut-Doubs)

lundi 25 mai 2015

Grand Corbeau (jeunes ?)
Mont d'Or (Haut-Doubs)
lundi 25 mai 2015

Toilette (sous l'aile)
Mont d'Or (Haut-Doubs)
lundi 25 mai 2015

Lever de soleil
Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 23 août 2015

Chamois femelle
Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 23 août 2015

Cabri au repos
Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 23 août 2015

Cabri au repos
Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 23 août 2015

Chamois femelle
Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 23 août 2015


Rougequeue noir
femelle

Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 23 août 2015

Rougequeue noir femelle
Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 23 août 2015



Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 30 août 2015

Aiguilles de Baume
Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 30 août 2015


Rougequeue noir
femelle

Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 30 août 2015

Mésange charbonnière,
dans un Sorbier de Mougeot (branche morte)

Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 30 août 2015

Rougequeue noir femelle
Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 30 août 2015

Traquet motteux mâle,
c'est un oiseau migrateur qui fait une
pause au sommet du

Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 30 août 2015

Traquet motteux mâle
Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 30 août 2015



Suggestion de lecture :

"Lantier se leva et se touma vers la fenétre, les mains derrière le dos.

Ne poursuivons pas sur ce sujet. Nous pourrions en parler longtemps, j'en suis sûr.

II pivota et fixa le prisonnier.

Je voulais juste que les choses soient claires. Nous n'avons pas les mémes valeurs, nous ne croyons pas aux mêmes idées. Mais nous sommes l'un et l'autre des combattants.

Si vous voulez. Et alors ?

Alors, à mon avis, ce que vous avez fait, ce pour quoi je dois vous juger, du point de vue de votre combat, est une erreur.

Morlac marqua son étonnement.

Une erreur et une faiblesse, si vous me permettez. Votre action n'est en rien cohérente par rapport au combat que vous menez et qui, dois-je vous le rappeler, n'est pas le mien.

Je ne comprends pas ce que vous dites.

Vous ne comprenez pas. Eh bien, reprenons les faits.

Lantier se rassit et ouvrit le dossier posé sur le bureau.

« Le 14 juillet 1919, lut-il, à huit heures et demie du matin, tandis que le défilé se préparait sur le cours Danton, le dénommé Jacques Morlac s'est approché de la tribune officielle oú avaient déjá pris place les corps constitués, autour de M. Emile Legagneur, préfet du département. Le susnommé Morlac est un anclen combattant issu d'une famille de cultivateurs, fort honorablement connue dans la region. Eu égard á ses blessures et à la Légion d'honneur qu'il avait gagnée au combat, le gendarme en faction auprés de la tribune d'honneur n'a pas jugé nécessaire del'écarter. »

Morlac haussa les épaules. II regardait dans le vague.

« S'avançant jusqu'à M. le Préfet, le susnommé Morlac s'est arrété á moins de trois pas de la tribune officielle. Un silence complet s'est alors fait parmi les invités d'honneur. Le susnommé Morlac, d'une voix forte, a interpellé les autorités en déclinant son identité. »

Lantier leva les yeux pour s'assurer que le prisonnier écoutait.

« II a alors déclamé, sans notes, le discours suivant, visiblement appris par coeur et prémédité : "Pour sa conduite exemplaire sur le front d'Orient, n'hésitant pas à attaquer un soldat bulgare animé pourtant d'intentions pacifiques, le soldat Guillaume présent devant vous a mérité la plus haute reconnaissance de la Patrie." »

Morlac laissa paraítre un sourire triste.

« Saisissant alors la croix, le susnommé Morlac a ajouté ceci : "Soldat Guillaume, au nom du Président de la République, je vous accueille dans l'ordre de l'ignominie qui récompense la violence aveugle, la soumission aux puissants et les instincts les plus bestiaux, et je vous fais chevalier de la Légion d'honneur." Accrochant la décoration au cou de son chien, il a mimé un salut militaire et pivoté pour se placer dans l'axe du défilé. Les premières troupes arrivaient à cet instant à la hauteur de la tribune. Le susnommé Morlac a marché á leur tete, précédé de son chien ridiculement décoré. »

Comme s'il avait entendu prononcer son nom, Guillaume, du fond de la place, jappa deux fois d'une voix affaiblie.

- « La foule massée sur l'esplanade, prenant soudain conscience de cette provocation, s'est déchainée en rires et en quolibets. Les mots "A bas la guerre" ont été entendus. Des applaudissements ont fusé. Tout s'étant déroulé tres vite et le gendarme en faction n'ayant pas entendu le discours du susnommé Morlac, il n'a pu étre mis fin à temps á l'outrage public qu'il avait décidé d'infliger aux autorités. C'est le maréchal des logis Gabarre qui, assistant depuis son poste éloigné de la tribune au défilé grotesque du susnommé Morlac et du chien avec son collier rouge en tête des troupes, a procédé á son arrestation. Cette action, pourtant légitime, a déclenché des manifestations d'hostilité au sein de la foule. Le maréchal des logis a subi des jets de pierres et a été légérement blessé á la tempe. Le Préfet a ordonné la dispersion de la foule et a dû requérir l'intervention des troupes en grands uniformes, initialement préparées pour le défilé. La cérémonie a pris fin sans que puisse étre rendu cette année l'hommage solennel dû à la Nation. »

Lantier se redressa et repoussa le dossier.

Vous voulez que je signe ? dit Morlac, avec le même sourire las.

Savez-vous ce qu'un tel acte peut vous coûter ?

Peu m'importe. Faites-moi fusiller, si vous voulez.

Nous ne sommes plus en guerre et la justice sera moins expéditive. Mais la déportation est la sanction la plus probable.

Alors, envoyez-moi au bagne. J'y suis prêt.

Vous y êtes prêt et, méme, vous le souhaitez, j'ai compris cela. Je l'ai compris depuis le debut. Vous refusez toutes les solutions que je vous ai proposées pour atténuer votre geste et obtenir la clémence. Parlons de cela, justement. Pourquoi voulez-vous étre condamné ? Croyez-vous vraiment que cela servira votre cause ?

Tout ce qui fait monter dans le peuple le dégoût de la guerre est bon pour la cause que je défends, comme vous dites. Si les prétendus héros refusent les honneurs abjects de ceux qui ont organisé cette boucherie, on cessera de célébrer une prétendue victoire. La seule victoire qui vaille est celle qu'il faut gagner contre la guerre et contre les capitalistes qui l'ont voulue.

Le juge se leva, passa devant le bureau et alla s'asseoir sur une chaise en face de Morlac. Leurs jambes se touchaient presque.

Jusqu'à quel point étes-vous convaincu de ce que vous dites ?

Devant le sourire de l'officier, Morlac se troubla.

Je le crois, voilà tout.

Eh bien, moi, je vous dis que non. Vous avez construit votre argument et vous vous y tenez. Mais vous n'y croyez pas.

Pourquoi ?

Parce que vous n'êtes pas assez naïf pour penser que votre petit coup d'éclat changera la face du monde.

C'est un début.

Non, c'est une fin. Pour vous, en tout cas.

Vous allez disparaitre dans une lointaine colonie, à casser des cailloux, et vous n'en reviendrez pas.

Qu'est-ce que ça peut vous faire ?

A moi, rien. Mais nous parlons de vous. Votre « cause » aura perdu un de ses défenseurs. Vous aurez tiré votre seule cartouche sans atteindre personne et la cause en question n'aura pas avancé d'un pouce.

Si vous me condamnez, le peuple se révoltera.

Croyez-vous ? Vous avez fait rire les gens, c'est entendu. Mais parmi ceux qui vous ont applaudi, combien s'armeront pour vous défendre ? Si vous n'aviez rien fait, ce serait les mêmes qui auraient acclamé le défilé. Le peuple,

dont vous faites si grand cas, est fatigué de se battre, même contre la guerre. Bientot vous le verrez passer avec indifférence devant les monuments aux morts.

La révolution viendra.

Admettons que vous ayez raison et qu'elle soit nécessaire. Comment croyez-vous qu'on renverse l'ordre établi ? En décorant son chien devant un préfet ?

II n'y avait pas de mépris dans le ton de Lantier. L'insulte n'en était que plus cuisante.

Je crois aux exemples individuels, répliqua Morlac, mais sans conviction.

II avait les joues rouges, de honte, de fureur, on ne savait. Le juge laissa s'écouler un long instant. On entendit le pas d'un cheval sur les pavés de la place puis tout redevint silencieux.

Parlons sérieusement, voulez-vous. Laissez-moi vous dire maintenant pourquoi vous avez commis cet acte et pourquoi vous voulez disparaître.

Je vous écoute.

Après votre convalescence, vous avez été évacué sur Paris. Vous y avez vécu quelques mois sans travailler. Votre pension vous suffisait. Pendant toute cette période, vous aviez maintes occasions d'entrer en contact avec des activistes. Vous ne l'avez pas fait. Si vous étiez si préoccupé de révolution, on peut penser que vous auriez saisi l'opportunité d'étre dans la capitale pour vous engager.

Comment le savez-vous ?

C'est simple. Quand on m'a désigné pour instruiré votre affaire, les bureaux de l'état-major m'ont transmis votre dossier. Les anciens combattants du front d'Orient sont suivis d'assez près par la police. Votre amitié avec des soldats russes n'est pas passée inaperçue, figurez-vous. Auretour, les services de renseignements se sont assurés que vous n'aviez pas de mauvaises fréquentations.

Morlac haussa les épaules mais n'objecta rien.

Vous êtes arrivé ici le 15 juin. Vous vous étes installé chez une veuve qui loue des chambres. Vous vous étes montré très discret. Vous n'êtes même pas allé rendre visite à votre beau-frére qui a repris la ferme familiale.

Je ne l'aime pas et il me le rend bien. C'est un paresseux et un voleur.

Je ne porte pas de jugement. C'est unfait. En revanche, vous êtes souvent allé voir votre fils.

Le coup était inattendu et Morlac ne put dissimuler sa surprise.

Vous vous étes caché pour l'observer. Un jour, vous l'avez abordé et il a pris peur. Vous êtes revenu quand méme mais en vous montrant encore plus prudent.

Et alors ? Ce n'est pas un crime.

Qui parle de crime ? Encoré une fois, je ne porte aucun jugement. J'essaie de comprendre.

Qu'y a-t-il á comprendre? C'est mon fils, j'ai envie de le voir, voilà tout.

Bien sur. Mais pourquoi ne pas voir sa mère ?

Nous sommes brouillés.

Comme c'est bien dit ! Voyez-vous, Morlac, vous êtes un homme intelligent mais je crains que, pour cela comme pour beaucoup d'autres choses, vous ne vous mentiez à vous-même.

Lantier se leva et ouvrit grand la fenètre. Elle n'était pas munie de barreaux et Dujeux, dehors, s'avança pour voir ce qui se passait. Le juge lui fit signe de s'éloigner et s'appuya sur le rebord, en regardant la place. Le chien, toujours au même endroit, s'était dressé sur ses pattes de derriére.

Vous êtes tres injuste, avec ce pauvre animal, dit le juge pensivement. Vous lui en voulez pour sa fidélité. Vous dites que c'est une qualité de bête. Mais nous en sommes tous pourvus et vous le premier.

II se retouma vers Morlac.

Vous portez cette qualité si haut, en vérité, que vous n'avez jamais pardonné à Valentine d'en manquer. Vous étes l'homme le plus fidèle que je connaisse. La preuve, vous n'avez pas renoncé á ramour que vous lui portez. C'est pour elle que vous êtes revenu ici, n'est-ce pas ?

Morlac haussa les épaules. II regardait ses mains.

Je crois que la vraie différence avec les bêtes, poursuivit le juge, ce n'est pas la fidélité. Le trait le plus proprement humain et qui leur fait complétement défaut, c'est un autre sentiment, que vous avez de reste.

Lequel ?

L'orgueil.

II avait touché juste et l'ancien combattant, tout rompu aux épreuves qu'il ait été, perdait son assurance.

Vous avez préféré la punir et vous punir, en mettant en scène sous ses yeux ce simulacre de rébellion, plutôt que de lui parler pour connaitre la vérité.

Ce n'était pas un simulacre.

En tout cas, c'était un événement sur mesure pour elle. C'est à elle que vous vous adressiez.

Morlac tenta une demiére objection mais la voie de l'orgueil lui était coupée, á cause de ce qu'avait dit Lantier, et la phrase du prisonnier fut prononcée sans le ton qui l'aurait rendue menaçante.

Tant mieux si elle a reçu le message.

Malheureusement, vous n'avez pas entendu sa réponse.

Des cris d'enfants retentirent, venus d'une cour voisine. L'air immobile et chaud ne semblait porter que les sons clairs, comme la cloche d'une chapelle qui sonnait tous les quarts d'heure.

En tout cas, conclut Lantier d'une voix ferme, je ne serai pas complice de votre provocation. Puisqu'on attend de moi que je vous punisse, je sais quel chatiment je vais vous infliger. C'est celui qui fera le plus de mal à votre orgueil. Vous allez la voir et l'entendre. L'entendre jusqu'au bout et mesurer votre erreur. Ce sera votre condamnation. Mais, attention ! Je n'accepterai aucun faux-fuyant.

J'ai le choix de refuser ?

Non.

Lantier referma un à un les boutons du gilet qu'il avait laissé ouvert pendant l'entretien. II prit sa veste qui était posée sur le dossier du fauteuil, derrière le bureau, et l'enfila. II passa sa main dans ses cheveux pour les remettre en ordre et lissa sa fine moustache. II se tenait bien droit, reprenant l'allure typique des ofíiciers.

Cette affaire est close. Je n'entendrai pas vos objections..."

Jean-Christophe Ruffin - Le Collier Rouge



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