Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°470 (2015-21)

mardi 26 mai 2015

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Monsieur Jean de Sainte Colombe
Les Couplets : Bergeronnette preste

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Petits oiseaux
Rémiz, Rougequeue, Bergeronnette...
Haut-Doubs
avril 2015


Mésange charbonnière
  Courvières (Haut-Doubs)
samedi 11 avril 2015


Pie (envol)
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 11 avril 2015

"Les mots sont de nature diverse.
Certains sont lumineux, d'autres chargés d'ombre. Avril est, par exemple, empli de lumière. Les jours s'allongent ; tel un javelot, leur lumière s'avance et pénètre l'obscurité. Un beau matin, nous nous réveillons, le pluvier doré est arrivé, le soleil s'est rapproché, l'herbe affleure sous la neige et commence à verdir, les bateaux pontés sont mis à l'eau après avoir sommeillé à longueur d'hiver sur la rive et rêvé de la mer. Le mot avril est tout entier de clarté, de chants d'oiseaux et d'impatience. Avril est le mois le plus prometteur de l'année..."

Jón Kalman Stefánsson - Entre ciel et terre

Rougequeue noir mâle

Rougequeue noir mâle

Rougequeue noir mâle
Courvières (Haut-Doubs)
samedi 11 avril 2015

Rémiz penduline
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 12 avril 2015

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 12 avril 2015

<image recadrée>

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Envol
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

dimanche 12 avril 2015
<image recadrée>



La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

dimanche 12 avril 2015

Rougequeue noir mâle
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 12 avril 2015


<image recadrée>

Rougequeue noir mâle
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 12 avril 2015

Pinson des arbres mâle
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

samedi 18 avril 2015

Bergeronnette grise...
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 18 avril 2015

...à tête blanche (!!)
Courvières (Haut-Doubs)

samedi 18 avril 2015
<image recadrée>

Bergeronnette grise
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 19 avril 2015

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 19 avril 2015

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 19 avril 2015

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 19 avril 2015
<image recadrée>

Entre les pattes des vaches !
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 19 avril 2015

Sur le barrage
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 26 avril 2015

A la recherche de nourriture
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 26 avril 2015

Bergeronnette grise
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
dimanche 26 avril 2015
<image recadrée>




 
Suggestion de lecture :

"TRENTE-CINQ

Le monastère est accessible à pied, tout en haut de la colline ; un sentier assez raide y monte depuis le village. Qui aurait pu s’attendre à trouver une roseraie en un tel endroit, bien au-dessus du niveau de la mer et au sommet d’un rocher ? Je ne vois pas le jardin aussitôt, car il est enfermé sur trois côtés par les murs du monastère, le seul côté ouvert donnant sur le village. En contrebas, il y a aussi des côteaux couverts de vignes qui assurent la production de vin des moines. C’est le frère Matthias qui m’accueille, il va me montrer le jardin et me mettre au courant.

« Frère Thomas m’a parlé de toi en précisant que je te reconnaîtrais tout de suite, dit-il en souriant, du fait que tu ressortais du troupeau par la taille et par tes cheveux roux. Nous sommes très contents de t’avoir parmi nous. »

La plus célèbre roseraie du monde n’est plus que l’ombre de ce qu’elle était, comme frère Thomas me l’avait d’ailleurs répété trois fois. Dalles et sentiers sont ensevelis sous les mauvaises herbes, les rosiers des plates-bandes se sont emmêlés inextricablement. Il y a eu jadis une pièce d’eau au milieu du jardin, avec de la pelouse et des bancs. Bien que la négligence et l’abandon sautent aux yeux partout, je reconnais le jardin aussitôt, d’après les dessins.

« Oui, c’est vrai, le jardin a été longtemps oublié et abandonné, explique frère Matthias. Nous avons mis l’accent sur la production du vin et sur la bibliothèque. Il y a encore aujourd’hui plus d’un millier de manuscrits à enregistrer. Et puis les effectifs du monastère ont diminué. Les jeunes frères de la règle préfèrent se plonger dans les livres plutôt qu’être dehors au jardin ; ils ne sortent guère que pour fumer », dit frère Matthias qui paraît être octogénaire.

Nous marchons dans le jardin, qui se révèle être encore plus grand que je ne l’avais imaginé et qui recèle des surprises. Même s’il faudra le reconstruire de fond en comble, je vois ce qu’il est possible de faire et comment je pourrai le sauver. La plupart des variétés de roses existent encore. Je ne puis m’empêcher de toucher les plantes, de palper les douces feuilles vertes. Je ne décèle la présence d’aucun puceron.

« Oui, c’est vrai, dit frère Matthias, presque toutes les variétés existent encore. » Les apparences sont trompeuses car les rosiers fleurissent à différentes époques de l’année ; il n’y a justement pas beaucoup de roses épanouies en ce moment, sans doute pas plus de soixante-dix.

Nous nous frayons un passage le long d’un ancien sentier enfoui sous un fouillis d’arbustes. On distingue au loin des arbres fruitiers qui semblent former une enceinte autour du jardin.

« Rosa gallica, Rosa mundi, Rosa centifolia, Rosa hybrida, Rosa multiflora, Rosa candida », énumère frère Matthias.

Tandis que je le parcours avec lui, le Merveilleux Jardin des Roses Célestes, tel qu’il est nommé dans les vieux livres, prend corps peu à peu dans mon esprit. Il va falloir commencer par arracher les mauvaises herbes et tailler les plantes – ce qui pourrait prendre deux semaines en travaillant dix heures par jour ; ensuite il faudra élaguer et planter à nouveau. Je choisis déjà un endroit abrité et ensoleillé pour la nouvelle variété de rose que je vais ajouter. Elle ne sera peut-être pas très visible au début et ne fleurira pas tout de suite, mais ici sont justement réunies les conditions et la lumière pour qu’une nouvelle variété de rose inconnue se mette à pousser dans le terreau fertile. Il n’est pas possible de s’en remettre plus longtemps aux fioles de l’hôpital, on ne peut cultiver éternellement la vie dans du coton. Je décide de ne pas tarder davantage à mentionner la rose à huit pétales qui se trouve sur l’appui de la fenêtre de la pension, et je sors la photo d’une rose épanouie dans une serre.

« Non, je ne connais pas cette variété, dit frère Matthias, après un silence. Je ne crois pas qu’elle ait des congénères dans notre jardin. Elle fait penser, assurément, à une rose blanche rare, Rosa candida, si ce n’est que la couleur est tout autre, très inhabituelle. Comment dis-tu qu’elle s’appelle ?

Rose à huit pétales ; ce sont huit pétales soudés au fond de la corolle et puis deux fois huit autres à l’extérieur, vingt-quatre pétales en tout, en trois rangs qui forment le bouton, presque toujours humide de rosée, dis-je en guise d’explication. C’est exact qu’elle est apparentée à Rosa candida, à ceci près qu’elle n’est pas blanche. Il s’agit d’une souche plus robuste, probablement le seul spécimen au monde, dis-je. Bien que j’aie parcouru d’innombrables livres sur les roses, je n’ai encore jamais trouvé de variété comparable.

Très intéressant, dit frère Matthias. La disposition de la corolle est tout à fait inhabituelle.

Et puis les tiges sont sans épines.

Très intéressant, répète-t-il en scrutant la photo. Une variété de couleur très particulière, un coloris vraiment insolite. Elle n’est pas rose, ni violette. Mais pourpre, n’est-ce pas ?

Oui, pourpre précisément.

C’est une couleur étonnamment forte qui se propage sur l’environnement. À moins que ce ne soit la pellicule. C’est du Kodak ? » demande frère Matthias.

Il fait quelques pas, la photo au bout de la main tendue et l’approche d’un ou deux boutons de couleur rouge clair.

« Comme je disais, je n’ai jamais vu de variété comparable. Tu devrais montrer ta rose à huit pétales à frère Zacharie. Il a quatre-vingt-treize ans et il est au monastère depuis soixante-deux ans. C’est vrai qu’il commence à perdre la vue et que ce qu’il voit n’est pas toujours clair. » Puis il me dit que c’est bientôt l’heure de la soupe et se rappelle soudain quelque chose, avant que j’aie réussi à mentionner le parfum de ma rose.

« Nous avons commandé pour toi de nouvelles bottes. Il nous a paru impossible de te faire chausser les vieilles bottes de jardinier qui sont restées inutilisées dans la remise depuis sept ans. Nous nous sommes rendu compte aussi qu’elles seraient trop petites. Ça a pris six semaines pour se les faire envoyer ici, car elles ont d’abord été expédiées par erreur dans un monastère en Irlande, où il pleut beaucoup. » Il pénètre avec moi dans une petite cabane à outils. Les bottes sont là, sur le plancher, juste en face de la porte. Elles sont bleues, luisantes et visiblement neuves, exactement comme dans le rêve que j’ai fait à l’hôpital.

« J’espère qu’elles t’iront – pointure 44, n’est-ce pas ? »

Ils peuvent également me prêter des vêtements de travail, pantalons, pull-over et gants. J’enfile le pantalon, les jambes m’arrivent à mi-mollet ; idem pour les manches trop courtes du pull-over. Celui qui a travaillé au jardin en dernier devait être haut comme trois pommes.

« Ils n’ont pas servi depuis un bout de temps – quelque sept ans, explique frère Matthias, et il faudrait bien sûr les laver. »

Les outils de jardinage sont entreposés dans la cabane. Ils en ont une collection relativement fournie, parmi lesquels des scies et divers modèles de cisailles, qui n’ont sans doute pas servi depuis longtemps. Je n’ai certes jamais vu certains des instruments qui diffèrent de leurs homologues traditionnels et je n’arrive pas à m’imaginer à quoi ils peuvent bien servir.

« Frère Zacharie devrait pouvoir te montrer comment on s’en sert », dit mon guide.

Enfin il me dit qu’il est bon que je sache que tous les moines ne sont pas des admirateurs de la roseraie ; certains sont même allergiques à la végétation et d’autres ont une horreur maladive des petites bêtes que les rosiers grimpants amènent par les fenêtres.

« Frère Jacob m’a prié de te dire qu’il ne faudra plus mettre de plantes grimpantes sur le mur est du dortoir, à proximité de sa cellule. »

Après avoir partagé la soupe au céleri des moines, je passe la moitié de la journée tout seul dans le jardin, dans mes bottes neuves, à faire l’inspection des lieux, le relevé des parterres de rosiers et à établir un plan de travail pour les prochains jours. Même si je n’ai, pour le moment, que des idées confuses sur moi-même, je suis parfaitement en mesure de m’organiser à l’avance. Je vois également la possibilité d’agrandir le potager.

La soupe de midi n’était pas mauvaise mais on pourrait varier les légumes et rassembler les épices qui poussent à tort et à travers dans le jardin, dans des carrés bien délimités.

TRENTE-SIX

Je suis devenu jardinier chez les moines et je prévois d’avoir plus qu’assez à faire au cours des deux à trois mois à venir. Jusque-là, je n’ai plus besoin de rouler dans ma tête des projets d’avenir, ni ce qui va suivre, si je vais rentrer au pays ou rester ici plus longtemps. Il me semble tout aussi vraisemblable qu’après deux à trois mois, je ne serai pas plus avancé sur la conduite de ma vie. Je me sens bien au jardin ; c’est bon de profiter de la solitude des plates-bandes pour sonder ses aspirations et ses désirs, muet en pleine terre ; je n’ai même pas besoin de connaître la langue. Je suis également dispensé de toutes les prières : je ne suis qu’un simple jardinier. Il faut tout organiser à nouveau, redessiner un plan sur la base de l’ancien et de ce qu’on peut trouver dans les vieux livres.

La première semaine se passe à éliminer les mauvaises herbes et à me frayer un chemin à travers une haie touffue de rosiers, ou plutôt un taillis épineux. Je peux alors enfin examiner le jardin à fond. Parfois je reste un petit moment pieds nus dans l’herbe fraîche, mais le plus souvent j’enfile les bottes bleues.

Je ne sais pas dans quelle mesure je dois en référer à frère Thomas, qui est mon agent de liaison avec le monastère. Il dit qu’on me donne carte blanche et que je dois me fier à mon sentiment et à ma compréhension des roses, comme il l’a formulé, je crois. Lorsque je lui explique mes idées, les aménagements et les changements, il acquiesce d’un hochement de tête et s’empresse de classer l’affaire.

« Nous sommes très contents de t’avoir », dit-il et il semble satisfait de tout ce que je propose, comme de créer une petite pelouse avec des bancs. Comme il me l’a donné à entendre, sa sphère d’intérêt englobe le cinéma et la linguistique. Je ne suis pas sûr non plus que les moines s’intéressent beaucoup au jardin. Comme frère Matthias me l’a signalé, la plupart sont plongés dans les livres et leur principal souci est de mettre en état la collection des manuscrits.

Je découvre sans cesse de nouvelles variétés, cachées dans le terrain en friche : roses en buissons, roses grimpantes, roses naines et roses sauvages, grandes fleurs isolées sur de longues tiges ou en grappes, de formes, de parfums et de couleurs multiples. L’arôme du jardin est presque entêtant et la splendeur des coloris est incroyable : violet, mauve, rose, blanc, gris, jaune, orange et rouge. Il faudra assurément mieux harmoniser les couleurs, modifier leur alignement. C’est un gros travail que de créer de l’espace pour toutes ces roses. Au bout de deux semaines, j’ai recensé et enregistré plus de cent variétés.

Les moines me laissent en paix dans le jardin. Au cours de la deuxième semaine, ils ont tout de même commencé à sortir plus souvent pour jeter un coup d’oeil aux travaux et respirer l’odeur des fleurs. Ils ont cessé de jeter des mégots dans les plates-bandes et ne sont pas avares d’éloges à la vue des changements. Je dois avouer que leur appréciation de mes efforts ne m’est pas indifférente. La question est de savoir si frère Jacob pourra s’accommoder d’un rhododendron à la place de la plante grimpante.

Bien que j’évolue toute la journée parmi les plantes et pense beaucoup au jardin, je n’en consacre pas moins un temps appréciable à des pensées sur le corps pendant mon travail de la terre. Je n’arrive même pas à écarter totalement de telles pensées lors de mes rencontres quotidiennes avec frère Thomas. Les corps semblent tomber dans une certaine zone de mon cerveau toutes les vingt minutes environ, sans qu’il y ait pour cela de raisons particulières liées à l’environnement. Le fait que je sois venu ici, animé du désir sincère de travailler dans les parterres et par la même occasion de prendre ma vie en main, n’y change rien.

Pendant que je me penche sur la grammaire, le corps n’est pas au premier plan, mais dès que je cesse d’être occupé à former des mots, le corps réapparaît, comme une tache d’encre qui transparaît au travers d’une nappe blanche. À la surface, nous parlons jardin ; dans mon esprit, je me bats contre mes instincts. Je crains que frère Thomas ne puisse lire dans mon âme à livre ouvert ; il a l’air sur le point d’éclater de rire.

« Qu’est-ce que vous en dites ?

De quoi ? »

Il me regarde avec étonnement.

« De ce dont nous venons de parler. À propos du rosier grimpant. »

Impossible de ne pas remarquer comme les moines sont incroyablement gais et comme ils ont le rire facile, en dépit de leur renoncement aux plaisirs de la chair. Je me mets mentalement à leur place et bien que je sois censé pratiquer la chasteté pour un temps, le froc blanc ne me va pas, quelle que soit la façon dont je me mette en scène au sein du groupe, il est trop grand, ou trop petit."

Audur Ava OLAFSDOTTIR - Rosa candida



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