Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°453 (2015-04)

mardi 27 janvier 2015

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
explications sur le nom de cette lettre : [ici] ou [ici]
Si cette page ne s'affiche pas correctement, cliquez [ici]


 
JB Pergolese - Stabat mater
"Quando corpus morietur"

Pour regarder et écouter,
cliquez sur la flèche au bas de l'image...



ou cliquez [ici]

Quando corpus morietur
(A l’heure où mon corps va mourir)

Fac ut animae donetur
(A mon âme, fais obtenir)

Paradisi gloria
(la gloire du paradis).

Amen, Amen….. Amen !



Face au Château de Joux

Givre, brume et neige

La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
décembre 2014 et janvier 2015


Givre
dimanche 21 décembre 2014


La Brume est autour du Château...

dimanche 21 décembre 2014

Crête

Brume

Spectre du Broken

dimanche 21 décembre 2014

dimanche 21 décembre 2014

Neige
jeudi 1er janvier 2015


jeudi 1er janvier 2015

jeudi 1er janvier 2015

Amélanchier et Alisier blanc
jeudi 1er janvier 2015

Cherchez les chamois !

L'allée de Frêne
jeudi 1er janvier 2015


Forêt
jeudi 1er janvier 2015


Quelques numéros mis à jour (!),

cliquez sur les images ci-dessous
(ou sur chaque [numéro])

[numéro 452]
(2015 - 03)
Ajout de quelques images :

Marais et Tourbières - Haut-Doubs - octobre et novembre 2014

Texte :  Charlotte - David Foeninkos

Musique : Motets - Heinrich Schütz

mardi 20
janvier 2015
[numéro 427]
(2014 - 28)
Ajout d'une vidéo : toilette d'un couple de cygnes et de leur petits...

Cygnes tuberculés - printemps 2014 - Lacs du Haut-Doubs

Texte : Ravi, éveillé (Lumière des oiseaux) - Pierre Morency

Musique : Le couronnement de Poppée (Pur ti miro) - Claudio Monteverdi

mardi 22
juillet 2014



Petit texte :

"Elle règne sur le silence de la chambre, elle, cette femme qui n'est rien – une servante dont tout le monde oubliera le nom, qui n'a pas réellement de visage, porte des voiles de gaze noire – une ombre presque -, qui veille sur son corps depuis que tout le monde a quitté la pièce. Elle fait des gestes lents pour ne pas le tourmenter, s'applique à ne pas faire de bruit, ne pas entrechoquer les coupes, chasse la lumière de cette salle avec précaution, jusqu'à la tache pâle que représente son propre visage qu'elle cache sous un voile. Elle, qui fait partie d'un groupe de trois indistinctes parce que vêtue de la même façon et marchant du même pas lent et feutré de soignante, elle veille tandis que tous les visiteurs sont partis. Elle lui éponge le front, lui humecte les lèvres, le redresse parfois le temps de le changer – car les tissus qu'il porte sont vite trempés de sueur. Elle s'assoit aux côtés du corps et pose la main sur son torse de tout le plat de la paume pour entendre le bruit de la vie qui court encore en lui, attentive à ne pas trop appuyer pour ne pas risquer d'empêcher le souffle. Elle écoute avec la main, elle est au plus près du râle. Elle ne lui parle pas, reste silencieuse, prête à donner le signal. Elle sait que c'est à elle qu'il incombera de prévenir l'empire. Lorsque Perdiccas ou Eumène entrent dans la chambre d'Alexandre, ils demandent à une des trois ombres qui va et ient en silence s'il vit encore, non pas en lui adressant la parole car ce ne sont que des femmes sans nom dont personne ne sait même si elles sont perses ou macédoniennes, mais juste en levant le menton, avec un air interrogatif, et une d'entre elles, celle qui s'est assise au chevet du mourant, celle qui écoute avec la main, répond « non » sans rien dire, simplement en ne relevant pas la main. Il leur suffit de voir qu'elle ne bouge pas pour comprendre que si elle écoute encore le poitrail, c'est qu'il vit.

[...]

Dans la chambre d'Alexandre, la femme assise au chevet du mourant est toujours immobile. Sa main posée recueille le souffle, là, très loin dans la poitrine, ténu, de plus en plus fragile mais tenant encore. Et puis d'un coup – mais personne n'est là pour le voir -, d'un coup, elle ferme les yeux pour être plus attentive : un silence épais émane du corps. Quelque chose n'est plus là. Elle reste immobile un temps, puis baisse la tête et se lève avec lenteur. Il est mort. Les autres femmes, des ombres comme elle, n'ont rien besoin de demander. Elles s'approchent et entament une série de gestes, précis, économes, comme si elles avaient toujours su ce qu'il faudrait faire à cet instant. Elles sèchent la sueur, habillent le corps d'une tunique royale. Elles brûlent de l'encens pour que l'odeur de la mort n'indispose pas les visiteurs et ouvrent la porte. Quelque chose doit sortir de cette pièce, le secret et l'attente, quelque chose doit aller au-devant du monde. La nouvelle de sa mort naît entre ces trois femmes silencieuses puis sort de la chambre et se propage dans les couloirs du palais. C'est comme un courant d'air mauvais qui tourne dans les couloirs. Perdiccas l'apprend et avec lui Eumène. Ils s'y attendaient mais lorsqu'ils approchent de la couche, ils flanchent, s'agenouillent et pleurent. Les autres ne tardent pas à suivre, ceux qui veulent entrer dans la pièce pour vérifier de leurs propres yeux, ceux qui sortent du palais pour crier leur deuil. Tout enfle. Perdiccas se relève. « Il faut faire vite », dit-il. Il pense à la réunion des généraux, au conseil de Babylone. Il ne faut pas que l'Empire se fissure. Tout va se jouer dans les heures qui viennent. Il n'y a que Stateira qui ne le sache pas encore. Elle s'est endormie. Dryptéis court vers sa chambre pour la réveiller. La nouvelle est sortie du palais maintenant. On entend des cris dans la rue. La nouvelle se répand et prend possession de la ville.

[...]

Tout pleure maintenant. Les prêtres, les soldats, les compagnons d'Alexandre, Stateira dans les bras de sa soeur. Seuls quelques-uns vont et viennent avec célérité, le visage sombre. Roxane fait appeler deux de ses gardes venus de Sogdiane et qui lui sont d'une indéfectible loyauté et leur ordonne de se mettre devant la porte et d'en garder l'accès. Elle veut être seule dans la chambre. Celle qui aura le corps conservera le pouvoir. C'est à cela qu'elle pense. Au-dehors, la nouvelle se répand. Les soldats se heurtent le front et frappent de leur poing leur bouclier. Nombreux sont ceux qui n'y croient toujours pas, lèvent les yeux au ciel, esseulés, demandent qu'on leur répète la nouvelle. Dans la chambre du palais, une des trois femmes peigne le mort avant l'arrivée des prêtres. Est-ce celle qui avait la main posée sur le corps du moribond ou une autre ? Peu importe... Elles sont indistinctes. Elle passe avec lenteur un peigne d'ivoire dans ses longs cheveux blonds. Ce geste lent, soigneux, est peut-être le dernier de l'Empire. Elle prend chaque mèche méticuleusement et passe les dents du peigne à travers. Les longs cheveux n'ont pas encore perdu leur éclat. Stateira se lève de sa couche, s'appuie sur le bras de sa soeur et sort de sa chambre en titubant. Elle avance mais tout est déjà joué. Les couloirs lui semblent horriblement longs. Chaque mouvement lui fait mal. Son ventre gonflé par la grossesse la lance. Elle progresse, le visage décomposé. Elle ne sait pas encore que Roxane est déjà dans la chambre, que la femme a fini de peigner le mort et que ces mèches blondes, elle ne les reverra pas. Tout l'Empire se convulse et se presse. Il n'y a que le peigne, une dernière fois, qui passe dans les cheveux d'Alexandre avec calme et sérénité.

[...]

La nouvelle domine le monde maintenant : Alexandre est mort. La femme qui avait la main posée sur le torse a disparu. Elle fait peut-être partie de celles qui tapissent les murs du palais de grands tissus noirs. A moins qu'elle n'ait rejoint le cortège des pleureuses. Rien ne compte plus. Elle a disparu, elle est une bouche de plus qui pleure et crie, elle est une des silhouettes de cette foule immense qui se presse devant le palais et prie toute la nuit. Il n'y a plus que cela à Babylone, et dans tout l'empire au fur et à mesure que la nouvelle se répand : la présence de la mort, et jamais Alexandre n'a semblé si grand, régnant en silence sur des dizaines de villes, faisant pleurer des centaines de milliers d'hommes et de femmes, diffusant partout la peur – aux soldats qui se demandent qui les dirigera désormais, à Perdiccas et Eunème qui voient marcher dans les couloirs les autres diadoques*, Ptolémée, Séleucos, Peucestas, Néarques et Cassandre, et qui comprennent à leur regard que l'heure des loups a sonné et qu'il va falloir lutter avec ceux que l'on a aimés – la peur – à Stateira qui sent qu'elle a été trop lente et que plus aucune pièce de ce palais de ce palais n'est un refuge – la peur – pour tous, persuadés que rien ne survivra à Alexandre et que le monde va sombrer dans les chants tristes et les prières..."

Laurent GAUDE - Pour seul cortège

*diadoques : généraux d'Alexandre le Grand



Voir la liste des anciens numéros du"Trochiscanthe nodiflore" (les archives) : cliquez [ici]

Site internet : Rencontres sauvages

Me contacter : pascal@pascal-marguet.com

Calendrier 2015 : Pour le télécharger directement au format pdf (1400 ko), cliquez [ici]

 

Pour vous désinscrire, vous pouvez m'envoyer un e-mail (en répondant à ce message) avec pour objet "désinscription",

ou en cliquant

[ici]

Pour partager cette page sur "FaceBook", cliquez sur le bouton ci-dessous :



Rejoignez-moi sur "FaceBook" en cliquant sur le lien suivant :

[http://www.facebook.com/marguet.pascal]