Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°431 (2014-32)

mardi 19 août 2014

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Anonyme (XIVème siècle) - Lamento di Tristano
(Jordi Savall)

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L'autre monde :
Renard, Chamois, Marmotte et Lièvre
Haut-Doubs et Suisse
juillet - août 2014


Rencontre inattendue
avec un jeune Renard

  Courvières (Haut-Doubs)
  mardi 15 juillet 2014
<image recadrée>

Courvières (Haut-Doubs)
mardi 15 juillet 2014

La renarde, assise un peu plus haut, m'observe...
Courvières (Haut-Doubs)

mardi 15 juillet 2014

... elle glapit, pour manifester contre ma présence !
(le terrier ne doit pas être loin)
Courvières (Haut-Doubs)

mardi 15 juillet 2014

Traces de renard dans la boue
Courvières (Haut-Doubs)

mercredi 16 juillet 2014

Renard adulte, dans les regains
Courvières (Haut-Doubs)

jeudi 17 juillet 2014

A la lisière
Courvières (Haut-Doubs)

jeudi 17 juillet 2014

Marquage de son territoire...
Courvières (Haut-Doubs)

jeudi 17 juillet 2014

A la recherche de sa nourriture
Courvières (Haut-Doubs)

jeudi 17 juillet 2014

La clôture
Courvières (Haut-Doubs)

jeudi 17 juillet 2014
<image recadrée>

Chamois mâle dans un pré
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)

jeudi 24 juillet 2014

Cabri de chamois...
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)

jeudi 24 juillet 2014


...suivi par sa mère
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)

jeudi 24 juillet 2014

La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
jeudi 24 juillet 2014

Cherchez la Marmotte !
(elle est à gauche de l'image : je l'ai photographiée de loin,
à partir du versant en face...)
Au pied du Chasseron (Suisse)

dimanche 27 juillet 2014

<image recadrée>

Jeune renard
Courvières (Haut-Doubs)

jeudi 31 juillet 2014

Sur le "communal"
Courvières (Haut-Doubs)

jeudi 31 juillet 2014

Entrainement (à la recherche de proies !)
Courvières (Haut-Doubs)

jeudi 31 juillet 2014

Saut
Courvières (Haut-Doubs)

jeudi 31 juillet 2014

Jeune renard assis
Courvières (Haut-Doubs)

jeudi 31 juillet 2014

Sur le pierrier
Courvières (Haut-Doubs)

jeudi 31 juillet 2014

Baîllement
Après une nuit de vadrouille, il est temps d'aller se coucher !
Courvières (Haut-Doubs)

jeudi 31 juillet 2014

Jeune renard assis, derrière les herbes
Courvières (Haut-Doubs)

jeudi 31 juillet 2014

<image recadrée>

Retour en direction du terrier !
Courvières (Haut-Doubs)

jeudi 31 juillet 2014

Lièvre adulte, au même endroit, le lendemain matin
(au lever du soleil)
Courvières (Haut-Doubs)

vendredi 1er août 2014

Vigilant
Courvières (Haut-Doubs)

vendredi 1er août 2014

Moustaches
Courvières (Haut-Doubs)

vendredi 1er août 2014

Dans la rosée
Courvières (Haut-Doubs)

vendredi 1er août 2014

Dans l'ombre
(il est venu jusqu'au pied de mon affût !)
Courvières (Haut-Doubs)

vendredi 1er août 2014

Tendu
(le déclenchement de mon appareil-photo l'interpelle sans l'alarmer...)
Courvières (Haut-Doubs)

vendredi 1er août 2014

Passage furtif d'un jeune Renard
(sans doute, le même qu'hier !)
Courvières (Haut-Doubs)

vendredi 1er août 2014

Court arrêt près du "gros rocher"
Courvières (Haut-Doubs)

vendredi 1er août 2014
<image recadrée>



Cerf courant sous bois - Gustave Courbet - vers 1865

Petit texte :

"La forêt du Morois

Je n'ai jamais vu ce tableau. J'en ai acheté la carte postale un jour d'été, sur le petit présentoir disposé contre un des murs épais de la maison natale de Gustave Courbet, dite aussi « Musée Courbet », à Ornans, dans le département du Doubs. Il s'agit d'une assez belle maison au bord de la Loue, dédiée à celui qui propulsa le nom d'Ornans bien au-delà de ses rives.

Sur ce musée Courbet, il n'y a somme toute pas grand-chose à dire. Il est petit, sérieux, modeste, et attentionné envers ses visiteurs. On s'y sent plutôt bien. On y entre, et les murs entre lesquels résonnèrent tant de voix oubliées, les portes que poussèrent tant de mains évanouies, nous signifient avec force que la vie qui fut là n'est finalement pas si loin. Il suinte de ces murs anciens et quelque peu décatis la profuse nostalgie d'une époque révolue, celle des amateurs nonchalants et autodidactes, des gens très peu pressés, de ces érudits un peu gris dont la candeur juvénile contraste avec l'allure immanquablement vieillotte de leur démarche et de leur accoutrement, l'intemporalité provinciale de leurs inquétudes. En cela il fait penser au délicieux musée Stendhal de Grenoble, ou aux Charmettes de Rousseau. Ce n'est pas qu'il ouvre à proprement parler sur un autre monde, non. C'est plutôt qu'il a le parfum légèrement sucré d'un monde en train de lentement s'effacer – comme semble s'effacer l'arrière-plan ligneux et à peine esquissé de ce Cerf courant dans les bois.

Le premier mot qui me vient à l'esprit à propos de ce tableau est le mot « saisissement ». Je pense que cela est moins dû à l'instantané de la course du cerf (qui, peu détaillé lui aussi, est proprement « saisi » en sa course comme par le prompt déclic d'une photographie au un millième) qu'à la puissance suggestive de l'arrière-plan esquissé, qui dit la profondeur insondable de la forêt. Et du reste, le mot « saisissement » s'applique dans mon esprit non au sujet représenté, mais à celui qui l'observe une fois qu'il a été saisi en sa course – en l'occurence moi-même : je suis celui que saisit ce tableau.

Le deuxième mot est le mot « effacement ».

J'ai longtemps trouvé étonnant, pensant aux immensités sombres et denses des forêts d'Europe centrale ou de Russie, les traversant parfois ou longeant leur lisière lors d'un voyage en train, que, n'ayant pourtant jamais pratiqué l'allemand, ce soit invariablement le mot « Wald » (et non « forêt », « selva », « wood » ou « bois ») qui me vienne à l'esprit pour les qualifier. Sans doute le fait que la langue allemande soit celle des langues d'Europe occidentale qui m'est la plus étrangère n'est pas pour rien dans ce choix inconscient pour dire l'altérité, ou l'étrangeté absolue.

La forêt ici à peine esquissée ouvre pour moi sur le mystère d'un monde où nous n'avons nulle place. Il ne s'agit pas de ces bois très peu ensauvagés où nous allons nous promener, ni même des sombres forêts des légendes , hostiles à toute présence humaine – mais d'un espace irréductible à toute formulation, à toute représentation picturale ou verbale. Il s'agit d'un monde vu, senti et agripé par d'autres sens que les nôtres, un monde qui, même s'il venait parfaitement redoubler celui que nous avons sous les yeux, s'en démarquerait toujours comme en une dimension parallèle, inconnaissable et à jamais insondable. Il s'agit d'un monde d'avant nos regards et nos mots : le monde de l'animal, que nous ne savons ni ne pouvons soupçonner. L'espace qui se dessine à travers cette esquisse de vert recoupe à peu près celui de l'« Ouvert » rilkéen.

Dans l'imaginaire médiéval, la forêt est l'ailleurs, l'anti-société, le monde non balisé des bêtes et des parias. Le meurtre, le viol, la dépossession et la mort y menacent. On sait que dans les contes il ne faut pas s'éloigner du sentier, qui est comme un mince et rassurant souvenir de l'humain au sein d'un monde sombre, enchevêtré, sauvage, illisible, menaçant. A l'écart du sentier détroussent les brigands et attaquent les loups – toutes les espèces de loups ; ceux qui vont à quatre pattes et ne sont pas toujours dangereux, comme ceux qui vont à deux pattes et le sont infiniment plus, surtout pour les jeunes filles pubères.

Comme la nuit pour le jour, comme la bête pour l'homme, comme le rêve pour la veille, comme l'écriture pour le langage, la forêt est un envers du monde. Elle procède de la sauvagerie, quand sa lisière ouvre sur la raison des champs cultivés.

Au bout du sillon, la charrue fait demi-tour. Le mot latin qui désigne l'endroit et le moment où la charrue fait demi-tour est versura, qui a donné vers en français. Le vers du beau langage est lié au monde de la parcelle unitaire, du champ cultivé, de la raison humaine qui soumet la nature à ses besoins et ses codes. Le monde de la forêt est celui du langage superfétatoire, absent. En pénétrant dans la forêt, on touche aux limites de la raison et de l'humain. A ce point le langage se heurte à sa matière même.

« Là où finit le langage, écrit Giorgio Agamben, ce n'est pas l'indicible qui commence, mais la matière de la langue. Qui n'a jamais atteint, comme en rêve, cette substance ligneuse de la langue que les anciens appelaient silva (forêt) demeure prisonnier de ses représentations quand bien même il se tait. »

Langage et temps sont mêlés. Dans les romans médiévaux, le fait de pénétrer dans la forêt entraîne, outre l'invisibilité au monde et l'inutilité du langage, la dissolution de la temporalité. En pénétrant dans la forêt du Morois pour s'y cacher, Tristan et Yseut franchissent le miroir. Ils pénètrent à l'intérieur d'une bulle intemporelle suspendue dans le temps linéaire, comme une perle de rosée sur un fil d'araignée. Dans la forêt du Morois, le temps se dissout lentement, comme mis en sommeil par l'amour. Mais l'extase est absente : l'apathie s'installe, l'envie s'évanouit, l'acédie menace. Passé, présent et futur se confondent en une espèce de rêverie inconsistante et molle. Les deux amants vivent une existence quasi foetale : la forêt est décrite comme le lieu du repos, une matrice originelle, un espace utérin dans lequel domine d'un bout à l'autre le motif du sommeil.

Tous deux vivent dans le dénuement et la souffrance. Mais ce faisant, ils vivent aussi dans l'absolu de leur amour. Cela dure trois ans, sans qu'aucune indication temporelle ne soit donnée, hormis à la toute fin (« L'endemain de la saint Jehan / Acompli furent li troi an »). Il faut à Yseut ce pont vers l'avenir qu'est un songe prémonitoire pour que la bulle d'intemporalité se voie crevée : si l'avenir est prévisible, c'est bien qu'un futur existe. Le temps événementiel peut donc être à nouveau investi – à condition de sortir de la forêt.

La béatitude est molle. La perfection est muette. Le bonheur est inepte. Tristan et Yseut en font l'expérience, qui s'engluent dans cette fade extase comme en une espèce de gélatine mortifère, et parviennent à grand-peine à en échapper.

Cette parenthèse immobile dans le temps linéaire se trouve encadrée par les deux apparitions d'un ermite nommé Ogrin. La première visite de Tristan et Yseut à Ogrin inaugure l'entrée dans la forêt. La seconde, la fin de cet épisode, et la réintégration dans la temporalité. Ogrin est ainsi par deux fois le Maître du Temps, qu'il immobilise d'abord, et ensuite réactive. Sans doute annonce-t-il là l'allégorie du Vieillard-Temps, qui est une création plus tardive, de la Renaissance.

L'entrée dans la forêt est aussi la révélation soudaine de la parole vraie, délestée de ses fards, juste avant l'assoupissement. Confrontés à la nécessité de cacher leur amour, Tristan et Yseut sont deux spécialistes du double discours, de la parole ambigüe, qui leur permet de dissimuler la vérité sans toutefois mentir. Quant à la vérité concernant leur amour, provoqué par l'absorption d'un philtre, ils la taisent aussi. En pénétrant dans la forêt, Yseut se jette aux pieds d'Ogrin et pleure. Tout se dessille alors, et la vérité sort enfin de sa bouche :

Sire, por Deu omnipotent

Il ne m'aime pas, ne je lui
Fors par un herbe dont je bui

Et il en but : ce fu pechiez

Por ce nos a li rois chaciez.

(« Mon père, au nom du Tout-Puissant,/ Il ne m'aime pas et moi non plus,/ Sauf à cause du breuvage que j'ai bu / Et qu'il a bu : ce fut là notre péché ! / Voilà pourquoi le roi nous a bannis. »)

Les masques tombent : le « beau parler » s'enfuit, et avec lui la dissimulation et la ruse.

Loin du monde le langage se heurte à sa matière propre et se révèle à lui-même, avant de s'oublier. J'écris. Je longe la forêt, parfois pendant très longtemps. Puis j'y entre à petits pas, armé de phrases brèves. Ce que me dit la fuite éperdue du Cerf courant sous bois peine à franchir mes lèvres. Il me semble que le moment de cette révélation du langage à lui-même est ce que je cherche dans l'écriture. Lorsque j'écris je cherche l'autre monde..."

Christian Garcin - L'autre monde

Pour voir le "livret virtuel" sur le thème de la

"Terre : montagnes et forêts",

(c'est une des expositions que j'ai réalisée, il y a déjà quelques années !)

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ou sur une de ces deux images

Pour ouvrir le livret, cliquez d'abord dessus,
puis cliquez à l'angle de chaque page pour les feuilleter

A l'intérieur de ce livret, j'ai intégré un texte sur la forêt
que vous pouvez lire entièrement,

en cliquant

[ici]

Bonne lecture !

(le texte de Christian Garcin le complète !)

Pour voir le site du "Musée Courbet" à Ornans,

cliquez

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