Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°421 (2014-22)
mardi 10 juin 2014
"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres
Sauvages"
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Roseaux
et reflet
Grèbe huppé adulte
Matériaux pour le nid...
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Livret virtuel à feuilleter sur les Grèbes huppés (dès que le livret apparait, cliquez dessus pour l'ouvrir !) |
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Grèbes huppés
au Lac de Neuchatel (Suisse).
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Mardi 29 mai 2007
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[numéro 120] : |
Parade nuptiale des
Grèbes huppés (Champ-Pittet, Suisse).
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Mardi 17 juin 2008
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Mardi 28 avril 2009
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Mardi 18 mai 2010
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Mardi 6 juillet 2010
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Mardi 23 août 2011
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Mardi 5 juin 2012
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mardi 9 avril 2013
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mardi 21 mai 2013
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mardi 15 avril 2014
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"18 A l'hôtel de Burnt Flat où nous nous sommes arrêtés pour faire le plein, un policier recueillait les témoignages sur un homme dont on avait retrouvé le corps sur la route. La victime, nous dit-il, était un vagabond de race blanche, âgé d'une vingtaine d'années. Des automobilistes l'avaient vu ces trois derniers jours errer le long de la route nationale. « Il a été réduit en bouillie. On a dû gratter le bitume à la pelle. Les routiers l'ont pris pour un kangourou écrasé. »L' « accident » était arrivé à cinq heures du matin, mais le corps – ce qu'en avait laissé le road-train – était froid depuis six heures. « On dirait que quelqu'un l'a laissé tomber sur la chaussée », dit l'agent de police. Il était d'une politesse des plus officielles. Sa pomme d'adam montait et descendait dans le V de sa chemise kaki. C'était son devoir, nous devions le comprendre, de poser quelques questions. Si c'était un Noir qui avait été écrasé, personne à Alice Spring ne s'en serait soucié. Mais un homme blanc...! « Alors où étiez-vous, vous autres, à onze heures hier soir ?
En disant cela, il n'avait pas quitté des yeux nos passagers. Ceux-ci, quant à eux, l'ignoraient totalement, comme s'il n'existait pas, et regardaient fixement la plaine. Le policier regagna sa voiture climatisée. Arkady sonna pour appeler le pompiste. Il sonna de nouveau. Il sonna une troisième fois. Personne ne venait.« On dirait que nous sommes bons pour attendre, dit-il en haussant les épaules.
Il était trois heures de l'après-midi et les bâtiments nageaient dans la chaleur. L'hôtel était peint couleur caramel et, sur le toit de tôle ondulée, les grosses lettres blanches des mots BURNT FLAT s'écaillaient. Sous la véranda, des perruches ondulées et des loriquets s'ébattaient dans une volière. Des planches avaient été clouées sur les ouvertures des chambres et un panneau annonçait : « Fonds de commerce à vendre ». Le propriétaire s'appelait Bruce. « L'affaire a commencé à décliner, dit Arkady, quand on lui a retiré sa licence. » Bruce avait gagné gros en vendant du vin frelaté aux aborigènes, jusqu'au jour où la législation sur la vente d'alcool fut modifiée. Nous attendîmes.Un couple d'un certain âge arriva dans un camping-car et lorsque le mari appela le pompiste avec la sonnette de service, la porte du bar s'ouvrit, laissant le passage à un homme en short tenant en laisse un bull-terrier haletant. Bruce avait les pieds à neuf heures et quart, les cheveux roux, les fesses flasques et les bajoues ovales. Ses bras s'ornaient de tatouages de sirènes. Il attacha le chien qui se mit à japper à la vue de nos passagers. Il regarda Arkady avec des yeux ronds et alla servir le couple au camping-car. Quand l'homme eut payé, Arkady demanda très civilement à Bruce : « Pourriez-vous nous faire le plein, s'il vous plaît ? » Bruce détacha le chien et reprit en se dandinant le chemin d'où il était venu. « Sale type », dit Arkady. Nous attendîmes. Le policier nous observait dans sa voiture. « Il faudra qu'ils finissent par nous servir, dit Arkady. C'est la loi. » Dix minutes plus tard, la porte s'ouvrit de nouveau et une femme en jupe bleue descendit les marches. Elle avait les cheveux courts, prématurément gris. Elle préparait une tarte et la pâte collait encore sous ses ongles. « Ne faites pas attention à Bruce, soupira-t-elle. Il est de mauvaise humeur aujourd'hui.
« Allez faire un tour à l'intérieur, me dit-il, si vous aimez la couleur locale.
« A-t-on le temps ?
La femme rentra la lèvre inférieure et eut un petit rire gêné. « Et si je leur payais à boire ? Suggèrai-je.
Je passai ma tête par la portière et demandai ce qu'ils voulaient. Mavis annonça un jus d'orange puis se ravisa pour prendre orange et mangue. Ruby choisit un jus de pomme, Big Tom du pamplemousse et Timmy un Coca-Cola. « Et un Violet Crumble », ajouta-t-il. Violet Crumble est une barre de confiserie enrobée de chocolat. Arkady paya la femme et je la suivis dans le bar. « Et en sortant, me lança-t-il, regardez à la droite de l'interrupteur électrique. » A l'intérieur, quelques ouvriers chargés de l'entretien de la route jouaient aux fléchettes et un garçon de ferme, habillé en cow-boy, mettait des pièces dans un juke-box. Sur les murs étaient punaisées de nombreuses photos Polaroïd, de gros personnages nus et des quantités de dirigeables. Un panneau disait : « Le crédit est comme le sexe. Certains en obtiennent. D'autres non. » Sur un parchemin « médiéval » on pouvait voir la caricature d'un culturiste et un texte en caractères gothiques : Oui, bien que je traverse La vallée de l'ombre de la mortJe ne crains pas le mal Car moi, Bruce, je suis Le plus méchant con de toute la vallée A côté des bouteilles de Southern Comfort se trouvait un vieux flacon rempli à ras bord d'un liquide jaune portant sur l'étiquette : Authentic N.T. Gin Piss (Véritable pisse de femme aborigène du Territoire du Nord). J'attendis. J'entendis Bruce dire à l'un des consommateurs qu'il achèterait bien un commerce dans le Queensland, là où on pouvait « encore appeler un Boong un Boong ». Un ingénieur des télégraphes entra, trempé de sueur, et commanda deux bières. « J'ai entendu dire qu'il y avait eu un accident sur la route et que le chauffeur ne s'était pas arrêté.
L'aide de l'ingénieur entra dans le café et s'assit sur un tabouret de bar. C'était un jeune métis aborigène à la silhouette élançée, affichant un sourire joyeux, comme pour s'excuser. « Pas de nègres ici », cria Bruce d'une voix forte qui domina le bruit des joueurs de fléchettes. « Vous m'avez entendu ? J'ai dit « Pas de nègres ici ».
Bruce rit. L'équipe de cantonniers rit également et le métis serra les dents tout en continuant de sourire. Je vis ses doigts se refermer sur sa boîte de bière. Bruce s'adressa ensuite à moi avec une voix d'une politesse forcée : « Vous êtes loin de chez vous. Qu'est-ce que ce sera ? » Je lui donnai la commande. « Et un Violet Crumble.
Je ne dis rien et payai. En sortant je regardai à droite de l'interrupteur et vis un impact de balle dans le papier peint. Autour était accroché un cadre doré portant une petite plaque de cuivre – le genre de plaque que l'on voit sous les bois de cerfs ou sous un poisson empaillé – sur lequel étaient gravés les mots « Mike - 1982 ». Je passai les boissons à la ronde ; ils les prirent sans le moindre hochement de tête. « Qui donc était Mike ? » demandai-je alors que nous démarrions. « Est Mike, rectifia Arkady. C'était le barman de Bruce. » Il régnait la même chaleur caniculaire en cet après-midi d'été lorsque quatre garçons pintupi, de retour de la mission de Balgo, s'étaient arrêtés pour faire le plein et prendre un verre. Leur grande fatigue les avait rendus particulièrement nerveux et quand le plus âgé d'entre eux vit la bouteille de Gin Piss, il fit une réflexion injurieuse. Mike refusa de les servir. Le garçon lança un verre de bière en direction de la bouteille, mais la manqua. Mike prit la carabine 22 long rifle que Bruce laissait toujours à portée de main sous le comptoir... et tira au-dessus de leurs tête. « C'est du moins, dit Arkady, ce que Mike a déclaré au procès. » La première balle atteignit le jeune Pintupi à la base du crâne. La seconde pénétra dans le mur à la droite de l'interrupteur. Une troisième, pour faire bonne mesure, alla se loger dans le plafond. « Naturellement, poursuivit Arkady sur le même ton impassible, les voisins voulurent participer aux frais de justice que le pauvre barman du payer. Ils organisèrent un gala, avec un spectacle de seins nus venu d'Adélaïde.
Bruce
Chatwin - Le Chant des Pistes
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