Un
petit texte :
« Rude est la montée sur le sentier pierreux, au pied de
la haute paroi de rocher, mais l'ombre y est fraîche. Saxifrages
et primevères, insérant leurs racines dans les fissures
de la pierre, fleurissent la sombre muraille de taches blanches, jaunes
et pourpres. Au creux des forêts, dans le fond de la vallée,
le torrent gronde sourdement ; le Merle à plastron au sommet
d'un sapin lance quelques phrases hachées, l'Accenteur alpin
chante comme une alouette. Tout à l'heure, dans l'azur, au-dessus
des glaciers et des névés éclatants, nous avons
vu un point noir : l'Aigle qui gagnait son aire. Soudain, tombant du
rocher, une fraîche modulation sifflée retentit : le
Tichodrome ! Le voici qui passe, d'un vol capricieux, comme
une feuille emportée par le vent ; un instant il laisse voir
le dos rouge de ses ailes... puis il disparaît à croire
que la paroi l'a englouti.
Contre les rochers qu'il escalade, le Tichodrome peut passer longtemps
inaperçu : ce petit oiseau, de la taille d'une Sittelle ou d'un
Moineau, paraît d'abord insignifiant ; de loin, on repère
difficilement une tache claire rampant contre la pierre : c'est le gris
pâle de la tête et du dos, plus visible que le reste du
corps noirâtre. Le beau rouge carmin des ailes, qui le fait comparer
à un oiseau exotique, n'apparaît que par éclairs
lorsqu'il entrouvre celles-ci : on ne l'apprécie guère
qu'à courte distance. De plus près encore, on distingue
le long bec fin légérement arqué (ou presque droit
chez les jeunes), la bavette noire de la gorge qui caractèrise
le plumage nuptial du mâle - la gorge est en général
blanche chez la femelle et de septembre à mars aussi chez le
mâle ; elle est grise chez les jeunes non mués. Sur les
rémiges ardoise s'alignent deux rangs de perles blanches.»
Paul
GEROUDET - Les passereaux d'Europe