Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°416 (2014-17)

mardi 6 mai 2014

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Vincenzo Bellini - Norma
"Casta Diva"

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Le retour des oiseaux
(pelouse et piquets)
Courvières, Lac de Saint-Point, La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
et Creux du Van (Suisse)
mars - avril - mai 2014


Pie
un peu cachée derrière un piquet !
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 9 mars 2014

 

Bergeronnette grise
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 9 mars 2014

A cette époque, la pelouse de la ferme ressemble à un paillasson !

Coup d'oeil au dessus !
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 9 mars 2014

Paillasson !
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 16 mars 2014

Pinson des arbres femelle
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 16 mars 2014

A la recherche des premiers vermisseaux !
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 16 mars 2014

Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 16 mars 2014

Rougequeue noir mâle en contre-jour
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 16 mars 2014

Rougequeue noir mâle dans la lumière
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 16 mars 2014

Rougequeue noir mâle
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 16 mars 2014

Rougequeue noir mâle
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 16 mars 2014

Rougequeue noir mâle, le soir
Courvières (Haut-Doubs)

  samedi 29 mars 2014

Rougequeue noir mâle
Lac de Saint-Point, Port-Titi (Haut-Doubs)
samedi 12 avril 2014

Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
samedi 12 avril 2014

Rougequeue noir femelle
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
samedi 12 avril 2014

Geai des chênes
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

samedi 12 avril 2014

Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
samedi 12 avril 2014

Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
samedi 12 avril 2014

Rougequeue noir femelle, dans l'ombre
Creux du Van (Suisse)

dimanche 13 avril 2014

Pinson des arbres mâle
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 20 avril 2014

Rougequeue noir femelle
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 20 avril 2014

Rougequeue noir mâle
(en contre-jour)
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

dimanche 4 mai 2014

Moineau domestique femelle cherchant des insectes sur la pelouse de la ferme
(je viens de la tondre !)
Courvières (Haut-Doubs)

dimanche 4 mai 2014



Petit texte :

"Mars

Le retour des oies

Une hirondelle, dit-on, ne fait pas le printemps. Mais un vol d’oies fendant l’obscurité d’un dégel de mars, c’est le printemps même.

Un cardinal sifflant au dégel que le printemps est arrivé et comprenant peu après son erreur peut se reprendre et retourner à son silence hivernal. Un suisse émergeant de son hibernation dans l’idée de prendre un bain de soleil et découvrant, à la place, une tempête de neige, peut toujours se recoucher. Mais une oie qui vient de faire trois cents kilomètres de nuit dans l’espoir de découvrir un trou dans le lac n’a pas beaucoup de solutions de repli. Son arrivée est empreinte de toute la conviction du prophète qui a brûlé les ponts derrière lui.

Un matin de mars n’est jamais plus morne que l’individu qui s’y aventure sans lever les yeux dans l’espoir d’apercevoir les oies. J’ai connu une dame fort cultivée (certifiée par son label universitaire), disant qu’elle n’avait jamais entendu les oies qui, deux fois par an, proclament le retour des saisons à sa toiture bien isolée. Se pourrait-il que la culture soit une manière de troquer la conscience des choses contre d’autres compétences de moindre valeur ? L’oie qui se risquerait à cet échange ne serait bientôt plus qu’un tas de plumes.

Les oies qui viennent annoncer le changement de saison à notre ferme ont conscience de beaucoup de choses, y compris des statuts du Wisconsin. Les troupeaux de novembre, en route vers le sud, passent à une grande altitude, l’air hautain, sans même un gloussement de reconnaissance pour leurs marais et leurs bancs de sable préférés. « A vol d’oiseau », voilà une approximation hésitante au vu de leur trajectoire impeccable jusqu’au grand lac le plus proche, trente kilomètres au sud, où ils vont folâtrer tout le jour sur les eaux calmes et fouiller les chaumes, à la nuit tombée, pour chiper les grains de maïs. Les oies de novembre ont conscience que chaque marais, chaque étang est hérissé, de l’aube au coucher du soleil, de fusils pleins d’espoir.

Les oies de mars, c’est une autre histoire. On leur a tiré dessus pendant tout l’hiver, comme en témoignent leurs ailerons endommagés, mais elles savent que la trêve de printemps est entrée en vigueur. Elles suivent les méandres de la rivière, passent à basse altitude sur les pointes et les îles débarrassées de leurs fusils, en cacardant au-dessus de chaque banc de sable comme si c’était un vieil ami perdu de vue depuis longtemps. Elles se faufilent entre les prés et les marais, saluant au passage chaque mare, chaque flaque libérée par le dégel. Enfin, après avoir décrit pour la forme quelques cercles, elles glissent silencieusement jusqu’à l’étang, trains d’atterrissage noirs baissés et croupions blancs se détachant sur la colline au loin. A peine ont-elles touché l’eau que nos invitées se jettent dans un remue-ménage insensé qui chasse jusqu’au souvenir de l’hiver d’entre les joncs secs et cassants. Nos oies sont de retour !

C’est à ce moment, comme chaque année, que je voudrais être un rat musqué enfoncé jusqu’aux yeux dans le marais. Une fois que les oies sont installées, elles lancent une clameur d’invitation à tous les troupeaux migrateurs de passage ; en quelques jours, le marais en est plein. Chez nous, l’amplitude du printemps se mesure à deux aunes : le nombre de pins plantés et le nombre d’oies qui font halte dans nos marais. Notre record est de six cent quarante-deux oies recensées, le 11 avril 1946.

Comme à l’automne, nos oies printanières font des incursions quotidiennes dans le voisinage en quête de maïs. Mais il ne s’agit plus de furtives expéditions nocturnes ; c’est toute la journée qui se passe en allées et venues triomphales dans les chaumes. Chaque excursion est précédée par un grand débat gustatif et suivie par un autre, encore plus bruyant. Une fois qu’elles se sont bien acclimatées et qu’elles ont l’impression d’être chez elles, les oies oublient leurs tours de piste protocolaires. Elles se laissent tomber du ciel comme des feuilles d’érable, avec des glissades sur l’aile à gauche et à droite, en tendant leurs palmes vers la clameur de bienvenue qui monte du marais. J’imagine que le vacarme qui s’ensuit a trait au mérite du menu du jour. Au printemps, elles picorent les grains de maïs épars que la couverture neigeuse a protégés tout au long de l’hiver contre l’appétit des corneilles, des lapins, des campagnols et des faisans.

Les chaumes retenus par les oies en guise de réfectoire occupent presque toujours le site d’anciennes prairies. Personne ne sait si cette préférence pour le maïs de la prairie correspond à une plus haute valeur nutritive ou à quelque tradition ancestrale transmise de génération en génération depuis l’époque de la Grande Prairie. Peut-être tient-elle simplement au fait que ces champs-là sont en général assez vastes. Si je pouvais suivre les débats orageux qui précèdent et suivent chaque raid dans les champs de maïs, je connaitrais bien vite la réponse. Mais je ne le peux pas, et je suis content de ce mystère. Quel monde ennuyeux qu’un monde où nous saurions tout sur les oies !

Lorsqu’on observe ainsi les rites quotidiens d’une congrégation d’oies, on ne peut que remarquer la prédominance des célibataires — des oies solitaires qui passent beaucoup de temps à s’exprimer et à voleter de-ci de-là. On est empreint à leur prêter des accents désolés, et à conclure un peu vite que ce sont des veufs au cœur brisé, ou des mères à la recherche d’enfants disparus. L’ornithologue averti connaît les risques que l’on court à se lancer dans ce genre d’interprétation subjective du comportement des oiseaux. J’ai longtemps cherché à aborder cette question de façon impartiale.

Après que mes étudiants et moi-même eûmes compté pendant une demi-douzaine d’années le nombre d’individus qui constituait le troupeau, la présence d’oies solitaires s’éclaira tout à coup d’une signification imprévue. L’analyse mathématique nous fit voir en effet que les troupeaux de six, ou de multiples de six, étaient de loin plus fréquents que si leur composition avait été laissée au hasard. Autrement dit, les troupeaux d’oies sont en réalité des familles, ou des agrégats de familles, et les oies solitaires qu’on voit au printemps sont sans doute précisément ce que notre imagination sentimentale nous portait à croire, à savoir des survivants endeuillés de la fusillade de l’hiver, à la recherche de leurs proches. A présent je peux donner libre cours à ma compassion pour les cacardeurs solitaires.

Il est assez rare que la sobriété d’une déduction mathématique vienne ainsi confirmer les pressentiments de l’amoureux des oiseaux.

Les soirs d’avril, quand le temps nous permet de nous asseoir dehors, nous prenons plaisir à écouter la conversation en cours dans le marais. Il y a de longs moments de silence où l’on n’entend plus que le vannage des bécassines, le hou-hou d’une chouette au loin ou le gloussement nasillard d’un foulque amoureux. Puis, tout à coup, un coin-coin strident retentit et, l’instant d’après, c’est une cacophonie de battements d’aileron frénétiques, de proues sombres propulsées par des pagaies barattant l’eau, toute une clameur montant des rangs de l’assistance de quelque véhémente controverse. Quelqu’un finit par avoir le dernier mot, et le vacarme se réduit progressivement jusqu’à ce bavardage à peine audible qui ne s’interrompt que rarement chez les oies. Là encore, je voudrais être un rat musqué !

Lorsque les pasques fleurissent, nous savons que le congrès des oies touche à sa fin. Vienne le mois de mai, notre marais n’est plus qu’étendue d’herbe trempée, comme d’habitude, où seuls les râles et les carouges mettent un peu d’animation."

Aldo Léopold - Almanach d'un Comté de sable



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