Un
petit texte :
"Et nous reproduisons ce que dit l'instituteur Loye des chalets
et de leurs habitants : le romantisme de l'époque l'inspire et
lui fait voir la vie là-haut comme une sorte de paradis, ce qu'il
n'a jamais été. Les intéressés s'y reconnaîtront
difficilement mais nos modernes amis de la nature y retrouveront des
charmes, qu'ils ne s'y laissent pas prendre.
« Chalets »
« Le Noirmont, dont le climat n’est pas tellement froid,
qu’on ne puisse cultiver l’orge et l’avoine même
à une petite distance de la crête du Mont d’Or, est
parsemé de chalets, dans lesquels on fabrique pendant 4 mois
de la belle saison, une grande quantité d’excellents fromages,
dits gruyères dont le produit est très considérable.
»
« On en dirige les convois jusque dans les villes maritimes de
France où ils sont embarqués pour les pays d’outre-mer.
Cette marchandise serait une source encore plus abondante de richesses,
si les propriétaires ou les fermiers des chalets n’étaient
pas obligés de louer une grande partie de leur bétail
à l’étranger. »
«
Particularités sur les vaches du Mont-d’Or
»
« Les vaches qui composent les diverses fromageries du Noirmont
se divisent encore en deux classes : celles qui appartiennent au propriétaire
ou au fermier, et celles qui sont amodiées*
principalement en Suisse pour compléter la fromagerie. On remarque
dans toutes un instinct merveilleux. En effet, à l’approche
de leur départ de la montagne, on peut à peine les retenir,
et le jour même de la saint Denis, 9 octobre, époque précise
de la descente, elles en prendraient certainement l’initiative
si on les abandonnait à elles-mêmes. On a vu des vaches
suisses partir seules, et se rendre, directement et sans guide, dans
l’endroit de leur demeure, situé à une grande distance
de la frontière, après avoir cependant passé quatre
mois sur la montagne. »
« Pour conduire les vaches au Noirmont et les en ramener, il est
d’usage de leur attacher au cou de grosses clochettes, qu’elles
ne conservent pas pendant l’été ; eh bien on a remarqué
qu’agiter involontairement ces sonnettes, dans l’intervalle
de leur séjour à la montagne, suffisait pour mettre tout
le troupeau en effervescence. »
« Hospitalité des chalets »
« L’heureux séjour de ces chalets est une image fidèle
du genre de vie des temps antiques. L’hospitalité, cette
belle vertu si rare aujourd’hui, s’y exerce encore comme
dans les anciens jours. A peine l’étranger est-il venu
prendre place au banc du vaste foyer que, sans aucune demande préalable
de sa part, on s’empresse autour de lui, pour lui faire accepter
les aliments ou les rafraichissements dont il a besoin et que fournit
le chalet. S’il est arrivé le soir, on lui offre cordialement
de partager, pour la nuit, l’humble couche de la ferme ; et s’il
craint de s’égarer à travers ces lieux alpestres,
on ne l’abandonne que quand il ne peut plus faire fausse route.
Aussi, dans ces lieux enchanteurs, jouit-on d’un bonheur véritable,
à l’ombre d’une douce liberté et d’une
paix profonde. »
« Rochejean renferme, dans la partie du Noirmont attaché
à son territoire, un grand nombre de ces chalets, habitations
si délicieuses dans la belle saison. »..."
La Maison du Montagnon
Jean Garneret, Pierre Bourgin, Bernard Guillaume.
*amodier
= "mettre en gestion", affermer. Figure centrale de la vie
alpestre, l'amodiataire est une personne (souvent un
éleveur ou même un berger) qui est chargée de mettre
en relation les éleveurs avec les alpages (et leur berger).