Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°380 (2013-31)

mardi 13 août 2013

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Greensleeve
- Auteur anonyme (XVIème siècle)
Jordy Savall

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Rougequeue noir

La Cluse et Mijoux, Courvières et la Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
juin-juillet 2013

Barbelés I
samedi 22 juin 2013

Barbelés II (mâle)
samedi 22 juin 2013

Femelle
samedi 22 juin 2013

Envol (mâle)
samedi 22 juin 2013

Toilette (mâle)
samedi 22 juin 2013

Sur le banc "Mirabeau" !,
devant le Château de Joux
(où l'illustre personnage a été enfermé !)
dimanche 30 juin 2013

dimanche 30 juin 2013

A la recherche d'insectes...
dimanche 30 juin 2013

Mâle
dimanche 30 juin 2013

Sur la pile de bois, devant la ferme (un jeune)
dimanche 30 juin 2013

dimanche 30 juin 2013

Les deux jeunes attendent la bécquée !
dimanche 30 juin 2013

dimanche 30 juin 2013

Adulte (mâle) amenant une chenille
dimanche 30 juin 2013

Nourrissage
dimanche 30 juin 2013

dimanche 30 juin 2013

Jeune, sur le capot de la voiture
dimanche 30 juin 2013

dimanche 30 juin 2013

lundi 1er juillet 2013

lundi 1er juillet 2013

lundi 1er juillet 2013

dimanche 7 juillet 2013

dimanche 7 juillet 2013

dimanche 7 juillet 2013

dimanche 7 juillet 2013



Petit texte :

"Les jours commencent et finissent dans une heure trouble de la nuit. Ils n'ont pas la forme longue, cette forme des choses qui vont vers des buts : la flèche, la route, la course de l'homme. Ils ont la forme ronde, cette forme des choses éternelles et statiques : le soleil, le monde, Dieu. La civilisation a voulu nous persuader que nous allons vers quelque chose, un but lointain. Nous avons oublié que notre seul but, c'est vivre et que vivre nous le faisons chaque jour et tous les jours et qu'à toutes les heures de la journée nous atteignons notre but véritable si nous vivons. Tous les gens civilisés se représentent le jour comme commençant à l'aube ou un peu après, ou longtemps après, enfin à une heure fixée par le début de leur travail ; qu'il s'allonge à travers leur travail, pendant ce qu'ils appellent "toute la journée" ; puis qu'il finit quand ils ferment les paupières. Ce sont ceux-là qui disent : les jours sont longs.

Non, les jours sont ronds.

Nous n'allons vers rien, justement parce que nous allons vert tout, et tout est atteint du moment que nous avons tous nos sens prêts à sentir. Les jours sont des fruits et notre rôle est de les manger, de les goûter doucement ou voracement selon notre nature propre, de profiter de tout ce qu'ils contiennent, d'en faire notre chair spirituelle et notre âme, de vivre. Vivre n'a pas d'autre sens que ça.

Tout ce que nous apporte la civilisation, tout ce qu'elle nous apporte, tout ce qu'elle nous apportera, rien n'est rien si nous ne comprenons pas qu'il est plus émouvant pour chacun de nous de vivre un jour que de réussir en avion le raid sans escale Paris-Paris autour du monde.

Cette heure trouble où les jours se séparent de la nuit, où l'ombre se dépose dans les vallées de la terre, où le ciel s'éclaire, où tout est comme un vase qu'on a longtemps agité et qui maintenant va avoir son repos et sa clarification. Le rossignol a changé son chant. Ce n'est plus ce ruissellement de musique dont il a noyé sa femelle – et elle est sur la branche du tilleul, désormais lourde et sourde, et elle a fermé ses petites paupières rondes et le vent la balance du même balancement que les feuilles – ce n'est plus ce fleuve sonore, c'est une longue note à peine un peu tremblante. Longue comme ce déchirement de l'aube là-bas, au-dessus des collines de l'Est. Des gouttes de rosée glissent le long des feuilles des arbres, puis tombent, et les arbres sont tout tremblants et il n'y a pas de vent, mais cependant voyez comme les aulnes et les peupliers frémissent. L'air est léger. Il a cette qualité des eaux de source dans la montagne ; on arrive là ; on a soif. On la voit verte, on la croit fraîche. On la boit, et alors on la trouve justement faite pour l'état exact de votre gosier et de votre corps à ce moment-là. Et vous repartez avec des forces nouvelles. Le soleil se lève. Avec lui les odeurs. Dans les lointaines collines, les lilas sont fleuris. Le fleuve a baissé là-bas, dans le fond de la vallée, car l'odeur des limons vient de monter. Un écureuil a écorché les hautes branches du bouleau ; une odeur de miel vient de descendre. Les pluies passées ont découvert les racines d'un cyprès qui sentent l'anis. Une belette invisible court sous l'herbe du pré, et nous ne la voyons pas. Nous voyons seulement l'aigrette des avoines qui tremble, mais nous sentons toutes les odeurs de ces herbes que la belette charrie de ses petits bonds souples, la flouve, l'esparcette, la fétuque, le trèfle et le sainfoin, la pâquerette et les mille petites herbes collées contre la terre noire, et la terre noire elle-même, avec ses champignons, ses vers, ses petits morceaux de bois pourris.

Je suis couché et je dors. Comment le jour entre-t-il en moi ? Dans le moment de cette heure trouble où le jour est né, moi-même endormi, ai été clarifié ; les rêves se sont enfuis comme le vent des arbres et le sommeil s'est déposé lentement dans les vallées de mon corps. Déjà tout ce qui émerge – pareil au sommet des collines qui dans le monde au-dehors viennent se gonfler en bosses d'or – tout ce qui émerge du sommeil en moi prend vie et chante. Je suis encore endormi mais j'entends, je sens les odeurs, je bois instinctivement à la fraîche fontaine de l'air nouveau. Les bruits et les parfums me racontent des histoires que ma pensée toute libre enregistre. Par l'odeur d'anis j'ai vu, les yeux fermés, les racines noires du cyprès ; par le chant du rossignol j'ai vu la dame rossignol ivre d'amour et de chanson nocturne, s'abandonner à la danse aurorale des feuilles ; par le froussement de la prairie et les éclats de parfum qui jaillissent dans les bonds de la belette, comme des cymbales d'odeur, j'ai suivi la course de la belette fauve depuis le tronc du saule jusqu'à sa petite bauge chaude. Enfin mes paupières sont touchées d'un épi d'or. Je m'éveille. Le soleil s'est posé sur mon visage.

Le monde est là ; j'en fais partie. Je n'ai d'autre but que de le comprendre et de le goûter avec mes sens. Et je me lève comme le conducteur de quadrige mettait le pied sur la plate-forme du char avant de se laisser emporter par la course de ses quatre chevaux.

Tous les matins ont une heure de l'ange. Une heure pendant laquelle battent doucement les ailes multicolores de l'annonciateur. Selon la saison, c'est parfois une longue pluie sombre qui arrive pendue sous le ventre du vent ; ou bien c'est une pluie grise installée dans toute la largeur du ciel et qui grignotte la terre, les branches nues et même les pierres poreuses des fontaines ; ou bien c'est le clair soleil paisible et fleuri et dans le mouvement de bras d'un invisible semeur, la terre est ensemencée de poignées d'oiseaux, qui font crépiter les feuillages des arbres, ou bien c'est le vent. Cette heure est toute la bénédiction du jour. Elle est le commencement de tout ce qui est promis, de tout ce qui sera tenu, de tout ce qui est caché dans cette partie du ciel vierge où le soleil aujourd'hui n'a pas encore passé..."

Jean GIONO  - Rondeur des jours



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