Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°369 (2013-20)

Mardi 21 mai 2013

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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  Nataq
- Richard Desjardins

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Parades dans les roseaux

 
Champ-Pittet (Yverdon, Suisse)
mercredi 8 mai 2013

Roseaux (Phragmites) dans la lumière du matin

Prêle sp.


Couple de Grèbe huppé en parade

Dans l'ombre

Essorage

En plongée...

Parade

Face à face

Parade II

A la recherche de son repas...

Toilette

Dans l'intimité

Offrande

Reflet

"Ouvre les yeux et vois cette nuée d'oiseaux

à l'assaut de la mer inconnue. Où vont-ils ?
Moi je dis que là-bas, il y a des roseaux.

Allons voir, allons voir ! Je devine des îles..."

Nataq - Richard Desjardins

Cygne tuberculé

Nette rousse mâle

Etirements

Poursuite

Nette rousse femelle

Nette rousse mâle

Toilette II

Construction du nid

Foulque macroule

Héron cendré à l'affût



Petit texte :

"L'Ile

Je repartis, un mardi matin. Le jour pointait à peine. Tante Martine dormait encore dans sa chambre. Elle avait fureté jusqu'à minuit. Je profitai de son sommeil pour bourrer de provisions un petit sac : figues, noix, quignon de pain. Une heure après, j'étais au bord de la rivière.

Qu'elle splendeur ! L'onde était devenue limpide et le bleu d'un ciel vif, lavé, où le vent poussait en riant deux petits nuages, se reflétait sur ces eaux claires qui d'un grand mouvement fuyaient vers un horizon de collines. Le terrible courant central crêté de noir, ne troublait plus ce miroir lisse. La rivière riait entre ses rives colorées de rose par le jour qui se levait. Un martin-pêcheur voletait le long de l'île et la brise du matin bruissait dans les roseaux.

Je remontai la rive vers une cabane. Quatre pilotis la portaient sur l'eau. Une passerelle y donnait accès.

Dedans, sur un hamac, il y avait une paillasse d'algues sèches. Un vieux filet pendait au plafond. Dans un coin, quelques ustensiles de cuisine.

"Ici, pensai-je, vient dormir Bargabot quand il braconne."

Sous la baraque on voyait une petite plage. Amarrée à un pilotis y flottait une barque.

Elle était vieille et un peu vermulue.A travers les ais mal joints l'eau filtrait sournoisement. Plus de peinture sur la coque. Depuis longtemps le soleil et la pluie l'avaient écaillée. On avait enlevé les rames. Une corde de chanvre effilochée retenait l'embarcation, et l'eau était si calme que la corde molle trempait dans la rivière.

Cette tranquillité, cette quiètude me tentèrent aussitôt. Je descendis jusqu'à la barque, et, après une brêve hésitation, je posai mon pied sur le bord ; il fléchit sous mon poids. Ce fléchissement me troubla beaucoup. Mais la barque reprit son équilibre. Je m'assis, avec précaution, au milieu, sur le banc, et ne bougeai plus. L'embarcation, l'eau et la rive paraissaient immobiles, et, malgré la sourde émotion qui me serrait le coeur, j'étais heureux.

Car, tournant le dos au rivage, je ne voyais plus devant moi que la rivière. Elle glissait. Plus loin, en aval, l'île, prise dans les premiers rayons du jour, commençait à sortir des brumes matinales. Peupliers, ormes et bouleaux formaient une masse confuse d'où peu à peu se détachaient de grands pans de feuillages qui prenaient la lumière. A la pointe, un roc bleu émergeait au-dessus de l'eau, qu'il brisait avec violence. Et l'eau bouillonnait de colère. Mais la rive de l'île était si rose et, sous une légère brise, il en venait de tels parfums d'arbres, de plantes et de fleurs sauvages, que j'étais saisi d'émerveillement. De nouveau, comme l'autre soir, entre les arbres monta la fumée.

"C'est Bargabot qui fait du feu, pensai-je, il a dû pêcher cette nuit" ... Que n'étais-je dans l'île? J'en rêvais...

La barque restait immobile. Pas un courant visible n'atteignait ce petit havre où je me sentais à l'abri. Je pouvais m'y abandonner à la contemplation des eaux glissantes et silencieuses dont le mouvement me fascinait...

Je perdis la notion du temps, du lieu et de moi-même, et je ne savais plus qui s'en allait, de ma barque ou de la rivière. Fuyait-elle, ou était-ce moi qui merveilleusement, sans rames, la remontais? Dieu sait comment je m'étais détaché du rivage, et déjà je voyais s'éloigner les quatre pilotis de la cabane... Ils s'éloignaient... S'éloignaient-ils ?...

Brusquement je revins à moi. Où étais-je? Entre la barque et la cabane, la corde était tombée. Pris dans un courant invisible je partais à la dérive. J'essayai de saisir, au passage, une branche ; mais elle m'échappa. Sans secousse, insensiblement, je m'éloignais du bord. Le froid de la peur me glaçait. Car l'eau, d'abord paisible, entrait dans le courant à mesure que j'avançais, et je voyais, sur moi, venir l'immense nappe de la rivière avec rapidité.

Elle était tout entière en marche, et sa masse profonde m'entraînait vers ce récif dressé à la pointe de file où les flots se brisaient en bouillonnant.

Leur violence augmentait. Ils emportaient de plus en plus rapidement la vieille barque. Elle craquait. L'eau montait par les fissures. De vastes tourbillons me prenaient par le travers et la barque tournait sur elle-même. Quand elle offrait le flanc au choc de l'eau, elle roulait dangereusement. J'allais droit au récif. Il s'avançait vers moi, terrible. Je fermai les yeux. L'eau gronda, puis la barque saisie dans un remous vira avec lenteur. Un raclement ébranla la coque. Elle s'immobilisa sur un lit de gravier. J'ouvris les yeux. J'étais sauvé. Nous venions d'échouer sur une grève en pente douce, à la pointe de l'île. Le récif, évité, écumait toujours, mais plus loin.

D'un bond je fus à terre.

Et alors je pleurai."

Henri BOSCO - L'Enfant et la rivière




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