Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°343 - Mardi 13 novembre 2012

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Peer Gynt
"au matin" - E Grieg

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Brumes et nuages

août, septembre et octobre 2012
Courvières et Mont d'Or (Haut-Doubs)

Ciel nuageux (après-midi)
Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 26 août 2012

Au lever du soleil
Courvières (Haut-Doubs)
août 2012
<diapositive scannée>

De la fenêtre de ma chambre
Courvières (Haut-Doubs)

août 2012
<diapositive scannée>

Hêtres marchant dans la brume...
Mont d'Or (Haut-Doubs)
samedi 15 septembre 2012

La falaise
Mont d'Or (Haut-Doubs)

samedi 15 septembre 2012

Mont d'Or (Haut-Doubs)
samedi 15 septembre 2012
<diapositive scannée>

Lever du soleil (première séquence)
Mont d'Or (Haut-Doubs)

dimanche 23 septembre 2012

Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 23 septembre 2012

La mer
Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 23 septembre 2012

Zen !
Mont d'Or (Haut-Doubs)

dimanche 23 septembre 2012

Les Iles !
Mont d'Or (Haut-Doubs)

dimanche 23 septembre 2012

Marée haute !
Mont d'Or (Haut-Doubs)

dimanche 23 septembre 2012

Accrochés aux Epicéas !
Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 23 septembre 2012
<diapositive scannée>

Nappes de brumes forestières
Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 23 septembre 2012

La falaise
Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 23 septembre 2012

Au bord de la falaise : Nerprun des Alpes (?) et Aconit napel
Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 23 septembre 2012

Graminées et Aconit napel (dans la brume)
Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 23 septembre 2012

Séquence sur le lever du soleil, derrière les Alpes
Mont d'Or (Haut-Doubs)

samedi 20 octobre 2012

Mont d'Or (Haut-Doubs)
samedi 20 octobre 2012

Mont d'Or (Haut-Doubs)
samedi 20 octobre 2012

Mont d'Or (Haut-Doubs)
samedi 20 octobre 2012

Mont d'Or (Haut-Doubs)
samedi 20 octobre 2012

Mont d'Or (Haut-Doubs)
samedi 20 octobre 2012

Le lendemain, au même endroit !...
Mont d'Or (Haut-Doubs)

dimanche 21 octobre 2012

Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 21 octobre 2012

Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 21 octobre 2012

Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 21 octobre 2012

Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 21 octobre 2012

Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 21 octobre 2012



Petit texte :

"En tournant le dos, pour entrer dans la forêt, on voyait les nuages passer à travers les arbres. C'était une farine blanche qui effaçait tout. Tout disparaissait. Quelquefois un arbre englouti revenait à la surface. Alors, c'était d'abord une forme sombre à travers le déroulement laineux qui passait d'un mouvement égal, puis le tronc apparaissait, puis les branches qui avaient l'air de se débarrasser des longs flocons étirés avec des gestes surhumains. - Elles ne bougeaient pas pourtant dans cet air immobiles, c'était au contraire le nuage qui bougeait sur elles – et tout d'un coup on le revoyait tout entier avec sa charge de lichens. Puis il s'engloutissait encore. Un fois entrée là-dedans la clarté du jour diminuait de pas en pas et plus rien. Le monde était effacé. Saint-Jean tourna la tête. Verneresse était effacé. La vallée était effacée. Bufère là-bas en face. Et la profondeur avec sa petite flaque et sa petite ampoule grise comme une cloque de pluie. Il appela doucement Marie. Elle lui répondit d'à côté de lui. Il étendit le bras en avant pour tâter sa route. Sa main disparut ; le bras semblait coupé, là, près de son épaule.
- Vous venez ?
- Je marche à côté de vous.
Le jour tombait peu à peu. Ils marchaient dans le lit glacé d'un écoulement de névé. Parfois le bout fragile d'une longue barbe de lichen frôlait leur joue. Il fallait qu'elle touche les clis pour qu'on la voie. Et dès qu'elle avait passé contre la joue elle disparaissait. Plus rien. Même pas cette cloque de pluie sur la flaque en bas. Le silence. Le froid. Une bulle de pluie. Sur une flaque d'eau toute sale, ça n'y était même pas ici dedans. Il fallait y penser pour que ça y soit. Alors, c'était dans la tête, on le revoyait. Cette farine qui passait contre le visage et qui engloutissait le corps, le corps des arbres, le corps de la montagne et qui couvrait le jour n'avait ni corps, ni forme, ni poids, ni force, ni couleur. Pas moyen de sentir son existence. Et pourtant il n'y avait plus que ça. Saint-Jean fronça la peau de son front pour savoir qu'il avait encore de la peau sur l'os du crâne. Car on avait l'impression qu'on n'était plus rien non plus, qu'on allait comme ça marcher à l'aveuglette pendant des siècles, toujours au même endroit, sans changer de place. Dans rien. Et devenir soi-même rien à mesure que s'effaçait ce souvenir de la minuscule cloque grise en bas sur la flaque. C'était de plus en plus difficile d'y penser – marchant là-dedans, pas à pas, la main étendue devant soi – et dès qu'on n'y pensait plus à cette petite butte de Villard-l'Eglise, il n'y avait plus rien et il semblait qu'on se fondait soi-même dedans. A un moment où ce défil incessant des flots de farine, juste contre l'oeil, vous donnait encore cette ivresse et cette envie de tomber comme tout à l'heure quand le monde entier s'était mis à haleter comme une aile de plume... Tout avait l'air de vouloir vous prendre, aussi bien le monde que maintenant où il n'y avait plus rien. Ah ! Il fallait vraiment qu'on soit un bon gibier pour que tout soit si intéressé à vous attraper, qu'on soit toujours obligé de résister. Quand on est dans la vallée en bas... enfin, quand on était dans la vallée en bas avec les champs et les chantiers d'arbres, debout sur la terre, avec cette petite grandeur des hommes qui ne permet de voir qu'un rond de terre, pas très grand, on luttait bien contre tout ce travail de la terre et des arbres, soi-disant pour défendre sa vie, ou bien, comme on dit, « la gagner » mais surtout parce que, de tout ce qui vous entoure, sort une drôle de force qui voudrait vous absorber, et nous aussi nous voulons absorber de notre côté, alors nous travaillons, qui est notre façon de nous battre. Bon, c'est une force qui est répandue dans chaque mètre carré de la terre, et dans un hectare il y en a dix mille fois plus, et dans mille hectares, alors ça te fait un défilé de zéros comme là cette farine de rien qui te passe devant l'oeil. Alors toi, si tu augmentes ta grandeur d'homme, si tu allonges ta taille d'homme, si tu te mets toute une montagne dessous, ayant comme ça tes yeux dans une hauteur qui n'est pas habituelle, tu bois beaucoup plus large autour de toi, étant plus haut (mais à cette hauteur qui n'est plus ce qu'on peut appeler à hauteur d'homme) alors tu as contre toi beaucoup plus de mètres carrés tout autour, beaucoup plus d'hectares, une plus grande accumulation de forces autour de toi, une accumulation beaucoup plus inhumaine. Plus tu montes, plus tu te hausses ; dès que tu n'es plus à hauteur d'homme, tu es dans les hauteurs inhumaines, alors, tes yeux voient à des kilomètres, avec des accumulations de pays et de pays, et de champs et de champs, et d'hectares et d'hectares, du haut de cette hauteur inhumaine ; mais, mon vieux, la taille, c'est l'ensemble de tout, c'est tout en rapport, il faudrait en même temps grossir la tête et elle est toujours de la même grandeur, que tu aies eu la force de te mettre cent montagnes sous les pieds ou que tu sois encore humblement de plain-pied avec les prairies plates. Oui. Alors, tu ne peux même pas penser à travailler avec tout ce que tu vois. Tu ne peux même pas dire que tu vas commencer la lutte. Alors, tu es tout juste le bon morceau de gibier à ton goût qu'on va pouvoir absorber si seulement on fait haleter comme il faut toute cette étendue de champs, et de pays et d'hectares, que même tes yeux te font voir comme des plumes molles. Et si on ne réussit pas du premier coup, on le fera cent coups, ou mille coups, jusqu'à ce que tu passes. On n'est pas pressé. On est sûr de gagner du moment que tu as été pris à cette malice de vouloir une grandeur plus grande que celle de l'homme. Ah ! Ça, les hauteurs inhumaines, il faut s'en méfier. Car, même l'oeil n'est déjà plus à toi, ni l'oreille, ni rien. Si, il n'y a plus dans ta tête qu'un petit endroit tout aveugle et tout sourd et d'habitude c'est l'oeil et l'oreille qui le renseignent, mais maintenant ils lui donnent de faux renseignements ; alors, qu'est-ce que tu veux qu'il fasse ?
Une branche lourde de lichen lui frotta l'épaule. Il appela Marie.
- Je suis là près de vous, dit-elle, je ne vous quitte pas d'une semelle.
- Vous me voyez ?
- Non, mais qu'est-ce que ça fait ?
Et alors, que ce soit cette accumulation d'hectares qu'on voit des hauteurs inhumaines ou ce grand fleuve de rien comme maintenant où il n'y a plus ni corps, ni forme, ni force, ni poids, ça a la même appétit de vous prendre et de vous absorber. Il y a cette volonté partout et constamment. Ici, on devrait être tranquille. On ne voit pas un centimètre plus loin que le bord de la tête de chaque côté de l'oeil. On ne peut pas dire qu'on soit saoulé de trop de choses. Et c'est pareil. Il semble encore qu'on vous endort avec du pavot (il fronça de nouveau la peau de son front et il fit une petite grimace avec sa bouche pour sentir les poils de sa moustache et se rendre compte qu'il y avait encore de la peau et de la viande, et du poil blond ardent comme de la fleur de jonquille sur sa mâchoire et sur ses dents). C'était vraiment cette chose-là comme la mort. Il n'y avait plus d'apparence. On marchait dans cette espèce de ruisseau de névé, tout séché par le gel et qu'on reconnaissait par l'ancienne habitude de ce pays de montagne. Autrement il était impossible de voir les lichens qui frôlaient les joues, ni les branches qui passaient près des épaules. On savait que c'était ça parce qu'on se souvenait. Autrement, il n'y avait rien. C'était le même écoeurement que devant le vide ouvert de Verneresse, sans le grand danger immédiat, là, au ras des pieds. Mais ce qui était beaucoup plus dangereux c'était de n'avoir plus rien ici que ce dont on pouvait se souvenir. C'était un vide où il était bien difficile de ne pas tomber. Ce ruisseau du névé, sec sous les pieds, inimaginable, il ne serait pas là. Il est là parce que le souvenir de Verneresse est resté dans la tête et qu'on sait l'existence là-haut dessus des grands névés de dessous Rognon. Mais si on se mettait à imaginer autre chose, tout changeait. Ça devenait tout ce qu'on voulait ! La route de Bobbio, la digue de Praly, le col de la Soume, n'importe quoi dans cet endroit, ni rond, ni carré, ni rien, sans dimension où il n'y a que la vie qu'on apporte. Oh ! Quelle inquiétude dans tout ce qui existe. Dès qu'une chose existe, ça revient à dire qu'il y a une nouvelle inquiétude. Et l'ensemble de toute cette accumulation d'hectares devant les yeux de celui qui se hausse au-dessus de la grandeur d'homme, c'est une masse d'inquiétude de plus en plus grande. Et qui affole. Et celui qui reste au plat des prés n'a que la petite quantité d'inquiétudes supportable. Car, bien entendu, on ne peut pas dire que parce qu'il est resté à sa vraie hauteur il ne soit pas inquiet. La vie, c'est l'inquiétude. Ce qui n'est pas inquiet c'est...
Il sarrêta.
... ça. Rien. A condition de ne pas bouger, d'être rien.
Il se sentait fondre dans le nuage, comme s'il n'y avait plus la barrière de la peau, entre sa chair et cette farine sans matière.
- Marchez, dit Marie, ne vous arrêtez pas, on s'en sortira. Je ne suis pas perdue. Je sais où on est.
« 
Regardez », dit Marie
Une immense lueur ardente éclairait tout le fond vers lequel ils marchaient. Il pouvait voir déjà Marie comme une ombre noire, sa tête en boule noire et autour une auréole de fumée blonde qui était le transparent des cheveux.
- Nous approchons, dit-elle, nous allons sortir.
Le nuage se défaisait. Les arbres apparurent avec des bords vertement puissants. C'étaient de longs vieux sapins, propres, longs et minces, avec très peu de feuillages mélangés à des mélèzes maigres. Les troncs montaient droit, très haut, dans cette hauteur où brillait une lumière si ardente et si nouvelle que les yeux pleuraient.
- Nous avons traversé, dit Marie, nous allons déboucher au-dessus des nuages.
Elle cria :
- C'est le soleil !...
Un faisceau de rayons violents et presque purs creva les arbres, s'embroncha dans les troncs et les branches, écarta une roue dans les poussières du sous-bois. Devant eux, la lisière développa son étroite grille de troncs noirs. Au-delà s'ouvrait une éblouissante liberté blanche...
"

Jean GIONO - Batailles dans la montagne



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