Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°315 - Mardi 1er mai 2012

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Beethoven -
Sonate n°17 "la Tempête"
(Glenn Gould)

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Moineau domestique

Courvières et La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

mars et avril 2012

Sur le toit de la "maison de l'environnement" à La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs),
un mâle se tient à la sortie de son futur nid.

Dans le mécanisme du "moulin" de Courvières.

Un couple attend avant de rentrer dans son nid (sous la faîtière).

Moineau mâle transportant des matériaux pour son nid (brindilles)

Moineau mâle à sa toilette

Femelle

Deux mâles sur une antenne

Deux mâles devant le compost de la ferme...
(ils viennent y chercher des restes posés à leur intention)

Envol,
de l'antenne de la ferme

Un peu loin !

Femelle à sa toillette

Mâle se grattant

Face à face

Pose,
devant une Tourterelle turque

Mâle,
avec quelques plumes blanches

Bon 1er mai !
Le muguet de Courvières n'est pas encore fleuri !
Il faudra attendre... le 1er juin !!



Petit texte :

"La première plainte de l'être nocturne ne fut, sur le chaume du toit, qu'un frôlement. Le vent flotta. Il fit flotter les feuilles. On entendit frémir la cime des arbres, et, très douces, sous deux poussées, frissonner, au faîte du chaume, les pailles sensibles. Puis tout se tut. Mais un bruissement s'éleva à quelque distance de la maison, et le monde des branches tressaillit. Un souffle. La forêt ondula nerveusement. Et un sourd murmure courut au-dessus de l'île enveloppée d'ombre. La poussée s'aviva, puis trous ou quatre petits coups frappèrent les brindilles. Elles fléchirent par milliers sous la pression du souffle et une frange d'air se détacha de la masse humide des arbres. Une faible mais universelle agitation troubla le repos de la nuit. Cette rumeur montant de tous les horizons mit en mouvement une marée mystérieuse, où les murmures se mêlaient d'un faible vent horizontal et des branches innombrables. La rumeur détacha quelques bouffées plus fortes et le frottement d'un air neuf hérissa les pailles du toit, dispersa quelques feuilles. Le vent prit forme et se mit à tâter la maison, les arbres. Il secoua le volet de la porte. Puis il s'enfonça à travers la nuit. Plusieurs branches furent troublées et la hutte de Balandran se plaignit un peu. Les buissons, les arbustes, alarmés par la plainte, à leur tour se plaignirent et on sentit poindre de l'ombre des coulées de vents noirs déjà hardis. Deux ou trois cents branches plièrent, autour de la maison. L'une, la plus faible de toutes, se lamenta. Le vent prit de l'humeur et lança un appel au Nord où d'autres vents lui répondirent. La nuit s'effaroucha un peu partout et les vaporeuses constructions de la pluie vacillèrent lentement. Sur les immensités de la nappe des eaux un mouvement de translation déplaça des massifs de ténèbres humides et l'énorme sphère des pluies offrit le flanc à des pointes de vent vives, sifflantes. Le temps commença à tourner sur les eaux sauvages et on entendit les premières bises qui s'engouffraient dans les déchirures des nuages échevelés. J'allumai une bougie. Il était onze heures ; puis j'éteignis.
Le vent grandissait par saccades et déjà des cheminées d'air créaient des tourbillons brefs. Sous les coups de plein fouet qui cinglaient la toiture, la maison, en prévision de la tempête imminente, se tassait. Une voix gutturale gronda dans le canon sonore du foyer éteint. Aux fissures des portes se glissèrent de petits glapissements. Par-dessus nous, enflant la voix, les premiers vents de choc se mirent à hennir avant de s'enfoncer dans les nuages, et des colonnes d'air s'ébranlèrent à leur suite, tumultueusement. Sur le troupeau impétueux des vents, de vifs appels de trompe retentirent. Les vents, dans toute l'étendue de la plaine immense, dévalèrent en vagues moutonnantes. Des spirales ascensionnelles firent, en ululant, tourner des pans entiers de vapeurs sombres et des vents livides jaillirent du ciel. Le toit des nuages craqua, sous la poussée des trombes. Un balancement d'arbres éplorés d'un bout à l'autre couvrit l'île, ruisselante d'humidité. Le bloc colossal des vieilles nuées, ébranlé par le souffle, commença, pesamment, à pivoter sur le plat pays et les eaux du fleuve. Pendant quelques secondes, les vents firent répit. Et puis une voix s'éleva, la voix impérieuse du Vent-Maître. Alors du Nord jusqu'à la mer frissonna l'espace, et la tempête commença.
D'abord une bourrasque. Elle aboya. Elle avait la rage des vents. Toutes les brindilles des bois furent raflées, enlevées en l'air, emportées au loin ; les murailles autour de moi crépitèrent sous cette grêle ; le chaume fléchit ; la fenêtre du nord trembla ; un souffle glacial fonça sur la maison, y mordit avec fureur, et je sentis le froid qui coulait dans la pièce en sifflant au ras du sol. Les hauts du ciel poussèrent des clameurs ; des armées de nuages reculèrent, la bourrasque bondit, monta, tordit des masses de vapeurs, et mordit les nuées au ventre. On entendit crier, rugir, et un galop éperdu de débandade. La panique prit les nuages et toute la tourmente se rua. Tête basse, elle crevassa les murailles pluvieuses et s'y engouffra en gerbes vivaces. Le ciel n'était que vent ; le vent n'était que fougue. De toutes parts les branches se brisaient avec fracas. Meuglements, bramements, barrissements traversaient en troupeaux furieux l'espace dévasté. Des désastres faisaient tomber les cités aériennes, qui croulaient à travers les ténèbres dans des éclaboussures et des fumées de vent effarouché.
La bourrasque tournait à l'ouragan. De fureur elle gonfla son poitrail. Un coup de boutoir creva la nuée, et, par trombes, tornades, avalanches, une poussée torrentielle de vents fous s'abattit du ciel. La mêlée tordit l'air en mille clameurs. Une spirale reformée de tous les souffles remonta vers les nuées. La roue des vents pénétrant au coeur des nuages fit tourner la tempête au milieu des vapeurs et y éclata. Les hauteurs retentirent de détonations et soudain toute l'étendue, de la terre au ciel, des monts à la mer, ne fut que vent. Un seul vent, le vent lui-même, le corps, l'âme du vent, la substance du vent, la passion du vent, la pensée du vent, l'être du vent, le Vent-Roi, le Vent-Dieu, le Vent, le Vent, rien que le vent. Car tout devenait vent. Le ciel, les arbres, l'eau, le fleuve, le sol, la maison, le corps, l'âme ; voûte de vent, branches de vent, ondes de vents, terre de vent, murs de vent, chair de vent, et moi-même, vent vivace, sans pensée ni coeur que le vent sauvage. Le vent m'avait pris, pénétré, vidé de moi-même. Désormais, j'étais fait de vent. Déchirée par les vents, ma pensée, en se dispersant, s'envolait de ma tête retentissante. Des gerbes de vents la perçaient et, de toutes parts jaillissant en elle, ils l'arrachaient de moi, la tordaient, puis, en spirales folles, mêlaient ces faibles tourbillons au tournoiement de la tempête. En moi, sous cette ruée incessante, tout fuyait en figures hagardes et, ne pouvant rien arrêter, je n'étais plus qu'événements sonores dont l'un emportait l'autre avec une vertigineuse rapidité. Entre l'ouragan et moi-même toute limite s'abîmait, et bientôt je devins un morceau volant de l'espace, à travers lequel tournoyait un faible sentiment de l'être universel, dernier vestige de mon corps, dans la lame du vent.
Par bonheur, quelquefois une branche éclatée avec fracas, la chute effrayante d'un arbre ou un souffle rugueux rabotant la toiture, traversaient cette sensation élémentaire et je m'y accrochais. C'étaient des mots sensés dans ces bruits en délire. Des mots lourds d'images concrètes, lancés, tels des corps, dans les vents incorporels. Ils fixaient mon esprit, le temps d'un éclair, puis j'étais emporté loin d'eux par le souffle du fleuve de dévastation. Mais j'avais pu revoir, dans ce bref tourbillon de l'âme, l'île, la forêt, la maison, et ce moi effaré qui ne tenait à rien, sauf à moi-même, inexplicablement, je ne savais plus où, hors du temps, dans le vide ravagé...
"

Henri BOSCO - Malicroix



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