Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°304 - Mardi 7 février 2012

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Fauré -
Requiem (Offertorium)

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Paysages en Velvia 100
Lac de Saint Point, Mont d'Or, Courvières (Haut-Doubs), Creux du Van (Suisse)

août, septembre et octobre 2011

Lac de Saint-Point (Haut-Doubs), au matin.

Au dessus du Mont d'Or (Haut-Doubs),
les Alpes sont dans la brumes !

Vu sur la forêt du Risoul et le lac de Joux (sous la brume en Suisse),
à partir du Mont d'Or (Haut-Doubs).

Lever de brume sur le Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

Famille de Cygnes devant "Port-Titi"
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

Gentiane jaune défleurie
Courvières (Haut-Doubs)

Chemin rural
Courvières (Haut-Doubs)

"Le mieux est de marcher.
Nous devrions suivre le poète chinois Li Bo dans les difficultés
du voyages et les nombreux embranchements du chemin.
Car la vie est une traversée du désert."

Bruce Chatwin

Vues sur le Château de Joux (Haut-Doubs)

Roseaux sur le Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

Vue sur le Mont Blanc (à droite) et la chaîne des Alpes
Mont d'Or (Haut-Doubs)

Château de Joux (Haut-Doubs), en travaux !

"Dos d'Ane", photographié du Creux du Van (Suisse)

Lever du soleil et brume sur Courvières (Haut-Doubs)

Chemin rural II
Courvières (Haut-Doubs)

Le "moulin"
Courvières (Haut-Doubs)




Petit texte :

"« Dans la Genèse, Dieu a d'abord créé les "choses vivantes" et, ensuite, a façonné dans l'argile notre père Adam. Ici en Australie, les ancêtres se sont eux-mêmes créés à partir de l'argile, par centaines et par milliers, un pour chaque espèce totémique.

« Ainsi quand un aborigène vous dit : "J'ai un rêve Wallaby", il veut dire : "Mon totem est le Wallaby. Je suis membre du clan Wallaby."
— Un rêve est donc un emblème clanique? Un insigne pour distinguer "
nous" de "eux"? "Notre pays" de "leur pays" ?
— C'est beaucoup plus que cela », dit-il. Chaque homme Wallaby croyait qu'il était issu
d'un père universel Wallaby, lui-même ancêtre de tous les autres hommes Wallaby et de tous les Wallabies vivants. Les Wallabies étaient donc ses frères. En tuer un pour se nourrir relevait à la fois du fratricide et du cannibalisme.

— Toutes les espèces, dit-il, peuvent être un rêve. Un virus peut être un rêve. On peut avoir un rêve varicelle, un rêve pluie, un rêve orange-du-désert, un rêve pou. Dans les monts Kimberley, ils ont maintenant un rêve argent….

Il continua en m'expliquant comment, lors de sa traversée du pays, chaque ancêtre avait laissé dans son sillage une suite de mots et de notes de musique et comment ces pistes de rêve formaient dans tout le pays des « voies » de communication entre les tribus les plus éloignées.

« Un chant, dit-il, était à la fois une carte et un topo-guide. Pour peu que vous connaissiez le chant, vous pouviez toujours vous repérer sur le terrain.
— Et est-ce qu'un homme parti en walkabout suivait toujours ces itinéraires chantés ?
— Jadis, oui, approuva-t-il. De nos jours, ils voyagent en train ou en voiture.

En théorie, du moins, la totalité de l'Australie pouvait être lue comme une partition musicale. Il n'y avait pratiquement pas un rocher, pas une rivière dans le pays qui ne pouvait être ou n'avait pas été chantée. On devrait peut-être se représenter les songlines sous la forme d'un plat de spaghetti composé de plusieurs Iliades et de plusieurs Odyssées, entremêlées en tous sens, dans lequel chaque « épisode » pouvait recevoir une interprétation d'ordre géologique……

« Par "épisode",(du « rêve ») demandai-je, vous entendez "site sacré"?
— Exact.
— C'est le genre de site dont vous faites le relevé pour la ligne de chemin de fer?
— Si vous voulez, dit-il. Dans la brousse, à quelque endroit que vous soyez, vous pouvez indiquer n'importe quel point caractéristique du paysage et demander à l'aborigène qui vous accompagne : "
Quelle est l'histoire de l'endroit ?" ou "Qui est-ce ?" Immanquablement, vous vous entendrez répondre "Kangourou" ou "Perruche" ou "Lézard", selon l'ancêtre qui est passé par là.
- Et la distance qui sépare deux de ces sites peut être considérée comme le passage d’un chant (le récit mythique est chanté et dansé)
— C'est précisément, dit Arkady, la raison de tous mes ennuis avec les gens de la compagnie ferroviaire. »

C'était une chose de convaincre un topographe qu'un amas rocheux était les œufs du Serpent Arc-en-Ciel ou qu'un gros bloc de grès rougeâtre était le foie d'un kangourou transpercé d'une flèche. Il en allait autrement quand il fallait le persuader qu'une bande de gravier sans traits distinctifs était l'équivalent musical de l'opus 111 de Beethoven.

En amenant le monde à l'existence par le chant, dit-il, les ancêtres avaient été des poètes dans le sens originel du mot poiêsis, la « création ». Aucun aborigène ne pouvait concevoir que le monde créé pût être imparfait. Sa vie religieuse tendait vers un but unique : conserver la terre comme elle était et comme elle devait être. Celui qui partait pour un walkabout accomplissait un voyage rituel. Il marchait dans les pas de son ancêtre. Il chantait les strophes de l'ancêtre sans changer un mot ni une note — et ainsi recréait la création.

« Parfois, dit Arkady, j'emmène mes "anciens" dans le désert et, arrivés sur une rangée de dunes, ils se mettent soudain à chanter. Je leur demande : "Qu'est-ce que vous chantez, vous autres ?" et ils me répondent: "On chante le pays, patron. Ça le fait venir plus vite." »

Les aborigènes ne pouvaient pas croire que le pays existait avant qu'ils ne l'aient vu et chanté — exactement comme au Temps du Rêve, le pays n'avait pas existé tant que les ancêtres ne l'avaient pas chanté.

« Ainsi donc, dis-je, la terre doit d'abord exister sous la forme d'un concept ? Puis elle doit être chantée ? Ce n'est qu'après cela que l'on peut dire qu'elle existe ?
— C'est cela.
— En d'autres mots, "exister" c'est "être perçu" ?
— Oui..."

Bruce Chatwin - le Chant des Pistes



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