Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°301 - Mardi 17 janvier 2012

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Fernando Sor -
Andante Largo

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Rougegorge, Tichodrome, Mésanges et Cie...
Lac de Saint Point, Mont d'Or, Bouverans (Haut-Doubs)

Transition entre 2011 et 2012 !

Rougegorge familier en contre-jour
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
dimanche 27 novembre 2011

Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
dimanche 27 novembre 2011

Tichodrome échelette
Mont d'Or (Haut-Doubs)

dimanche 27 novembre 2011

Sur la falaise, au soleil couchant...
Mont d'Or (Haut-Doubs)

dimanche 27 novembre 2011

Mont d'Or (Haut-Doubs)
dimanche 27 novembre 2011

Rougegorge de face
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

mardi 3 janvier 2012

Mésange à longue queue
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

mardi 3 janvier 2012

De face
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

mardi 3 janvier 2012

De dos I
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

mardi 3 janvier 2012

Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
mardi 3 janvier 2012

Perdue dans les branches d'un Saule
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

mardi 3 janvier 2012

Poursuite dans les roseaux (floue !)
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

mardi 3 janvier 2012

Attitudes dans les roseaux
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

mardi 3 janvier 2012

Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
mardi 3 janvier 2012

Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
mardi 3 janvier 2012

Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
mardi 3 janvier 2012

Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
mardi 3 janvier 2012

Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
mardi 3 janvier 2012

Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
mardi 3 janvier 2012

Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
mardi 3 janvier 2012

De dos II
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

mardi 3 janvier 2012

Mésange bleue
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

mardi 3 janvier 2012

Retour dans le Saule
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

mardi 3 janvier 2012

Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)
mardi 3 janvier 2012

Mésange charbonnière
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

mardi 3 janvier 2012

Une femelle (?)
Lac de Saint-Point (Haut-Doubs)

mardi 3 janvier 2012

Tourterelle turque
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
samedi 14 janvier 2012

Rougegorge familier au bord de la voie ferrée (du TGV Paris-Lausanne !)
Lac de Bouverans (Haut-Doubs)

samedi 14 janvier 2012

Roitelet huppé
(un des plus petits oiseaux d'Europe !)
Lac de Bouverans (Haut-Doubs)

samedi 14 janvier 2012

Mésange noire
Lac de Bouverans (Haut-Doubs)

samedi 14 janvier 2012

Toutes les images de cette série (ou presque !) ont été <recadrées>



Petit texte :

"
Ecrire, c'est comme le métro. Vous savez où vous allez, vous n'avez pas un choix infini de destinations, il y a des horaires à respecter, des zones obscures et de plus, ça n'est pas toujours agréable. Mais il y a tout ce que vous ne pouvez pas prévoir, ce qui vous transporte (sans jouer sur les mots), vous expose, vous atteint momentanément ou durablement. Je veux parler des secousses, du rythme, des rencontres. Les regards échangés, parfois glissant sur le bouclier des glaces, les mots captés, les bouts de phrases, conversations, monologues, instantanés insensés, fractures, fractionnés, opus incertum de bris et de débris dans toutes les langues, gestes arrêtés, expressions détachées de leur contexte, sourires extraits de visages, commissures tombantes, paupières voilées, éclats sur les verres des lunettes, soupirs, lâchers, borborygmes. Et les nuques, ah les nuques. On ne parlera jamais assez des nuques. Ployées, offertes au couperet, ou redondantes, musculeuses, coupées de plis épais. Les nuques encore proches de l'enfance, deux tendons aigus creusant le cervelet, attachées au trapèze des épaules. Les nuques plutôt que les mains, car les mains se cachent, les mains s'observent, elles ont appris à mentir comme les visages. Et plus que tout, les pieds. Non pas bêtes, ni beaux, ni glorieux même s'ils sont chaussés de cuir souple, de suède, ornés de boucles et d'oeillets. Les pieds tout simplement posés sur le sol, chaussés de sabots, de tongs, sortis de leur coque et exposés au froid, à la pluie. La légende saint-sulpicienne autour de Baden-Powell, telle qu'inculquée aux enfants de cette troupe disparate et un peu honteuse, racontait naguère que le Maître, venu à Londres quelque temps après la guerre des Boers, observa dans un wagon de chemin de fer une femme bien mise, élégante et présentant tous les aspects de sa classe supérieure, mais dont les souliers révélaient deux semelles trouées, signal d'une grande précarité. Il aborda cette femme et le plus respectueusement du monde il la pria d'accepter une contribution en argent à même, pensa-t-il, de la soulager provisoirement de ses difficultés, et lui laissa sa carte de visite. L'histoire ne disait pas ce qui s'ensuivit, romance, ou aide désintéressée - par égard pour lui, je pencherais pour la première hypothèse. Elle a pour conclusion l'importance des pieds dans la relation humaine.

Schopenhauer, dans un essai tonique, Misère de la littérature, affirmait qu'il existe trois sortes d'écrivains. La première, faite d'auteurs qui n'ont rien à dire, et qu'il ignorait. Les deux autres catégories motivées, disait-il, par la nécessité d'affirmer quelque chose. Toute la différence vient de ce que dans un cas, l'auteur se lance à l'aventure et risque, comme le chasseur inexpérimenté, de revenir bredouille. Dans l'autre, l'écrivain réfléchit à ce qu'il doit dire, comme le chasseur rassemble le gibier grâce aux rabatteurs, et n'entame son oeuvre qu'au terme de ce calcul. Dirai-je que, contrairement au philosophe, ma sympathie va au chasseur aventureux. Ne sachant pas exactement ce qu'il cherche, il se laisse entraîner par le hasard et il lui arrive de trouver une surprise inappréciable. Je ne suis pas chasseur, pas très carnassier non plus, mais je me souviens d'avoir accompagné naguère des chasseurs dans la forêt panaméenne, des Indiens qui ne tuent un animal que pour se nourrir. Ils n'ont pas de rabatteurs, ni d'arme perfectionnée. Mais leur agilité y supplée, et l'instinct les guide. Leurs sens sont aux aguets pour capter l'odeur d'un cerf ou d'un pécari, et ils montrent cette extraordinaire aptitude à réagir sur l'instant qui fait de leur chasse non un divertissement mondain et ennuyeux mais un jeu joyeux et nécessaire qui restitue à l'homme sa part animale. C'est ce que j'aimerais trouver dans la lecture, dans l'écriture. L'aventure.

Donc le voyage en wagon, sous la terre. Je suis alors dans un espace confiné, sorte d'intérieur d'astronef projeté dans le vide qui sépare deux points sur une ligne. Vision en tunnel qui m'abstrait du réel et me place dans un état d'apesanteur - d'irréalité. Un flottement physique et mental interstatique, entre l'état de prise et la déconnection, ou mieux entre la veille et le sommeil - nous propulse loin du présent vers un avenir incertain, et nous percevons tous les changements qui nous arrivent. Les uns dorment, la bouche ouverte ou le menton carré contre le col de leur manteau, d'autres lisent comme elle, la même page du livre qu'elle a sorti de son sac à main, ça doit être un polar à voir la couverture défraîchie, mais elle ne le lira pas car son regard est fixe et ses doigts qui ont corné la page ne la tourneront pas. D'autres regardent. Le wagon est un espace clos, le train tout entier est une sorte de capsule dont personne ne peut, et ne songe à s'échapper. C'est ainsi, ils l'ont voulu. Le carré de papier (titre de transport), ou le clic de leur carte magnétique sur la borne d'entrée du métro est un contrat auquel nul, une fois entré, ne peut renoncer. Cela vaut pour tous les débats sur l'identité, la liberté, l'engagement politique, les serments d'amour et les alliances, les bulletins de vote ou les demandes d'asile.

Dans le wagon, les corps se touchent. Rarement se cherchent (sauf quelques pervers dont c'est la raison d'être à bord, mais eux-mêmes ne tardent pas à perdre pied). S'éviteraient s'il y avait de la place. Des gens qui n'auraient jamais dû se rencontrer sont face à face, le vieux rouleur et la jeune prépubère, la matrone dignifiée et le gigolo, l'aviateur décoré et la pute décolorée, le garçon coiffeur et l'ambassadeur (il arrive qu'ils se ressemblent), le professeur et l'élève, le fou et le prophète, le vieillard aux yeux troubles et le trentenaire au sourire entendu, le juge et le prisonnier, la fliquette et le pickpocket, et plus généralement tous ces gens semblables, indifférenciés, uniformément gris et anonymes, interchangeables et pourtant uniques.

Combien de temps dure ce voyage ? Quatre, cinq minutes, parfois davantage. Mais si longues, si riches en événements et en sensations, pleines d'idées, de mots qui volettent, d'images, de vies. Jusqu'où irons-nous ? Jusqu'à quand serons-nous vivants ? Quelles raisons donnerons-nous à notre histoire ? Parce qu'il faudra bien un jour trouver une raison, donner une raison, nous ne pourrons pas accréditer notre innocence. Où que nous soyons, quelle que soit notre destination finale (si une telle chose existe), il nous faudra rendre compte, rendre des comptes.

J'ai été, j'ai fait, j'ai possédé. Et un jour je ne serai plus rien. Pareil à ce wagon lancé à une vitesse inimaginable, incalculable, sans doute voisine de l'absolu, entre deux mondes, entre deux états. Et pas question qu'aucun d'entre nous retourne jamais à ses états, je veux dire à son passé, à ce qu'il, à ce qu'elle a aimé. Pour cela les visages sont fi gés, immobiles, parfois terreux, on dirait des masques de carton bouilli ou de vieux cuir, avec deux fentes par où bouge le regard, une étoile de vie accrochée au noir des prunelles..."

JMG le Clézio - Histoire du pied et autres fantaisies



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