Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°297 - Mardi 20 décembre 2011

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
explications sur le nom de cette lettre : [ici] ou [ici]
Si cette page ne s'affiche pas correctement, cliquez [ici]


Lila downs -
La Sandunga

Pour regarder et écouter,
cliquez sur la flèche au bas de l'image...

 



ou cliquez [ici]



Chamois
en attendant la neige...
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)
samedi 26 novembre 2011

Château de Joux, dans la brume...

Détail du Château

Petite troupe de Chamois sur une pelouse

Trois

Cabri, au repos
<image recadrée>

Le même cabri...

... passe devant un mâle adulte

Bouc

Refuge, dans les arbres

Dans la falaise

La femelle, derrière des branches...

... puis, m'observant depuis un promontoire

Son cabri n'est jamais loin !

Dans la falaise...

La brume se lève sur la "Combe"

Le Château est enfin découvert !



Petit texte :

"Une autre image du monde indien va devenir peu à peu le symbole de l'amour de Diego et de Frida : la sandunga. Cette danse étrange au nom africain, d'abord très lente, puis dont le mouvement s'accélère progressivement, mélange de rituel religieux et de parade amoureuse, les longues robes des Tehuanas balayant le sol, les coupes chargées de fruits posées sur leurs têtes bien droites, tandis que l'homme qui mène la danse tourne en brandissant une croix païenne chargée de fleurs, est l'expression même de la force érotique du monde préhispanique, éternellement vivante malgré la violence et l'asservissement de la Conquête. Tout au long de sa vie, Frida est possédée par cette danse, par ses lents tourbillons, par le visage presque extatique des Tehuanas, que la charge en équilibre au sommet de leur tête oblige à ce port de déesses, buste immobile, bras écartés et lente oscillation du bassin, cette danse qui semble unir dans son mouvement la ferveur ancienne de l'Inde des gitanes, l'orgueil de la musique andalouse, et la puissance sensuelle de l'Amérique indienne, son rituel de fécondation, sa fièvre de vivre.
En 1929, quand Frida épouse Diego, c'est une robe de Téhuana qu'elle revêt pour changer d'apparence, pour quitter le costume de militante du Parti, jupe droite et chemise rouge imitées de Tina Modotti. Et ce n'est pas par hasard qu'elle choisit ce costume qui plaît tant à Diego. La femme de Tehuantepec ou de Juchitàn, à l'époque, est devenue l'incarnation de la résistance indigène, et, de plus, l'emblème du féminisme – d'un féminisme essentiel, du triomphe de la liberté de la femme indienne. La légende du matriarcat de Tehuantepec fascine tous les intellectuels de l'entre-deux-guerres, poètes, essayistes et surtout peintres. Pour Saturnino Herran, le costume ne sert qu'à mettre en valeur des modèles de type andalou, dans un ébouissement de dentelles et de couleurs un peu mièvre. Mais pour Diego Rivera comme pour Orozco, Tamayo, Roberto Montenegro ou Maria Isquierdo, la femme tehuana est inséparable de son pays, cette côte de Tehuantepec, si chaude, si violente, désert tropical, avec ses villages écrasés de soleil et la fête indienne qui résonne dans la nuit.
En 1925, 1928, puis au retour des Etats-Unis, en 1934, 1935, c'est à Tehuantepec que Diego Rivera va se ressourcer quand il a besoin des ces images fortes, paysages de l'Eden, mais un Eden âpre et poussiéreux, et ces rivières où les femmes aux dos larges, aux épaules de cariatides se baignent nues en toute innocence. Les femmes au bain de Diego Rivera, sur la plage de Salina Cruz, sont ses baigneuses de Cézanne ou ses vahinés à la manière de Gauguin. C'est la même nonchalance, la même provocation innocente, la même apparence : longue jupe multicolore, buste dénudé, et la chevelure tressée mêlée de fleurs d'hibiscus. On fait le voyage à Tehuantepec, dans les année 30, pour retrouver le mythe du paradis terrestre, comme le note le cinéastre Sergueï Eisenstein dans son Journal : « 
L'Eden n'était nulle part dans la région entre le Tigre et l'Euphrate, mais évidemment ici, dans un lieu qui se trouvait entre le golfe du Mexique et Tehuantepec. » Edward Weston, Tina Modotte, Lola Alvarez Bravo et beaucoup d'autres reviennent de Tehuantepec et de Juchitan avec d'extraordinaires clichés de ces femmes si belles, si audacieuses, qui gèrent le commerce dans les villages de l'isthme et vivent une sexualité épanouie, libre de toute notion de péché et de tout interdit. Paul et Dominique Eluard, qui voyagent au Mexique au moment de l'exposition surréaliste, sont tellement enthousiasmés par la beauté et la liberté des femmes tehuanas qu'ils décident même e s'y marier selon le rituel indigène.
C'est le modèle tehuana que Frida suit d'abord, instinctivement, et qui devient ensuite sa seconde nature. Elle s'habille comme elles, se coiffe comme elles, et parle comme elles, avec la même audace et la même sincérité, dont le romancier Andrés Herrestrosa dit : « 
Chez les femmes de Juchitan, il n'y a aucune inhibition, ni rien qu'elles ne puissent dire ou faire. »
Ces femmes que Vasconcelos décrit « 
ornées de colliers et de pièces d'or, portant leurs blouses bleues ou orange, qui blaguent ou marchandent avec des voix enflammées » - ces femmes qui sont le symbole de l'indianité, et en même temps font penser aux gitanes, comme le dit Olivier Debroise, par le mélange de « rébellion féminine, de sexualité libre, de commerce ambulant et de magie », sont pour Frida tout ce qu'elle veut être elle-même : des « tours qui marchent » telles que les décrit Elena Poniatowska dans le beau livre d'images de Graciela Iturbide qui montrent bien les Tehuanas dans leur sublime permanence. Le rythme lent de la Sandunga emporte Frida dans ses rêve, éternellement aux côtés de Diego, dans le cercle rituel de la danse, offrande de fertilité et tourbillon vertigineux de l'amour « la sandunga est l'hymne de Tehuantepec comme la llorona est celui de Juchitan, toutes deux musiques qu'on peut valser, ah, pauvre de moi, llorona, llorona, llorona d'hier et d'aujourd'hui, en avant, en arrière, la jupe balayant un cercle sur le sol que frappent les pieds nus. Les chansons ancestrales sont délicates, mélancoliques et lentes, jouées sur des instruments primitifs, conques, bongos, tambours (baquetas), les marimbas rapportées d'Afrique, les flûtes en bois et en bambou qu'on appelle pitos, le tambour qu'on appelle caja, et le bigu indien, la carapace de tortue qui pend au cou du musicien. »
Mystérieuse comme les profondeurs de la mer, la Tehuana del hondo mar que célébrait le poète juchitèque Juan Morales.
Femme dans laquelle Weston voyait l'héritière des antiques Atlantes, si libre, si belle, si heureuse de son corps et de son destin, que la
sandunga emporte dans le rêve de Frida, dans l'éternité de la fête indienne – jusqu'au bout du rêve, puisque c'est dans l'éblouissant costume de la Tehuana qu'elle interroge le monde, portant le sceau de Diego au front, pareille à une mariée prisonnière de son propre pouvoir.
Et c'est dans la longue robe blanche qu'elle quitte le monde des hommes."

JMG le Clézio - Diego et Frida



Voir la liste des anciens numéros du"Trochiscanthe nodiflore" (les archives) : cliquez [ici]

Site internet : Rencontres sauvages

Me contacter : pascal@pascal-marguet.com

Calendrier 2011 : Pour le télécharger directement au format pdf (1200 ko), cliquez [ici]

 

Pour vous désinscrire, vous pouvez m'envoyer un e-mail (en répondant à ce message) avec pour objet "désinscription",

ou en cliquant

[ici]

Pour partager cette page sur "FaceBook", cliquez sur le bouton ci-dessous :



Rejoignez-moi sur "FaceBook" en cliquant sur le lien suivant :

[http://www.facebook.com/marguet.pascal]