Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°289 - Mardi 18 octobre 2011

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Goran Bregovic -
Bubarama
(musique du film "Chat noir, chat blanc")

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Toiles
Lac de Saint Point (Haut-Doubs)
juillet, août, septembre et octobre 2011

Un escargot minuscule se promène sur cette image !
Saurez-vous le trouver ?

En "flou-filé"




Petit texte :

"Sept minutes plus tard, Danglard, rassuré par la présence de la seconde bouteille, se servit un nouveau verre, débuta l'histoire de Gauchelin, puis s'interrompit, levant les yeux vers le plafond bas.
- Mais peut-être la chronique d'Hélinant de Froidmond, au début du XIIIè siècle, donne-t-elle une image plus nette. Laissez-moi un instant pour me la remémorer, ce n'est pas un texte que je consulte tous les jours.
- Faites, dit Adamsberg, dérouté.
Depuis qu'il avait compris qu'on s'éloignait vers les fins fonds du Moyen Age, abandonnant Michel Herbier à son sort, l'histoire de la petite femme et de son effroi se présentait sous un angle dont il ne savait que faire.
Il se leva, alla se servir un verre modeste et jeta un oeil au pigeon. L'Armée furieuse ne le concernait plus et il s'était trompé sur l'évanescente Mme Vendermot. Elle n'avait pas besoin de lui. C'était une démente inoffensive, assez démente pour redouter que les rayonnages puissent s'effondrer sur elle, et même ceux du XIè siècle.
- C'est son oncle Hellebaud qui raconte le fait, précisa Danglard, qui s'adressait maintenant au seul jeune homme.
- L'oncle d'Hélinand de Froidmond ? Demanda Zerk, très concentré.
Exactement, son oncle paternel. Qui dit ceci :
Alors que, vers midi, nous approchions de cette forêt, moi et mon serviteur, qui me précédait, chevauchant rapidement afin que l'on me prépare le gîte, il entendit un grand tumulte dans le bois, comme de nombreux hennissements de chevaux, le bruit des armes et les clameurs d'une multitude d'hommes se portant à l'assaut. Terrifiés, lui et son cheval revinrent vers moi. Comme je lui demandais pourquoi il avait fait demi-tour, il répondit : je n'ai pas pu faire avancer mon cheval, ni en le frappant, ni en l'éperonnant, et moi-même, je suis si terrifié que je n'ai pas pu avancer. En effet, j'ai entendu et vu des choses stupéfiantes.
Danglard tendit le bras vers le jeune homme.
- Armel – car Danglard se refusait absolument à appeler le jeune homme de son nom de guerre, « 
Zerk », et il reprochait vigoureusement au commissaire de le faire -, remplis mon verre et tu sauras ce qu'a vu cette jeune femme, Lina. Tu sauras la peur de ses nuits.
Zerk servit le commandant avec l'empressement d'un gars qui craint qu'une histoire ne s'interrompe, et repris sa place au côtés de Danglard. Il n'avait pas eu de père, on ne lui avait jamais raconté d'histoires. Sa mère travaillait la nuit au nettoyage de l'usine de poissons.
- Merci, Armel. Et le serviteur poursuivit :
La forêt est remplie d'âmes de morts et de démons. Je les ai entendus dire et crier : « Nous avons déjà le prévôt d'Arques, nous allons nous emparer de l'archevêque de Reims. » A cela je répondis : « Imprimons sur notre front le signe de la croix et avançons en sûreté. »
- C'est l'oncle Hellebaud qui reprend la parole maintenant.
- C'est cela. Et Hellebaud dit :
Lorsque nous avançâmes et parvînmes à la forêt, les ombres s'étendaient déjà et, pourtant, j'entendis des voix confuses et le vacarme des armes et des hennissements des chevaux, mais je ne pus apercevoir ni les ombres ni comprendre les voix. Après être rentrés chez nous, nous trouvâmes l'archevêque à sa dernière extrémité et il ne survécut pas quinze jours après que nous eûmes entendu ces voix. On en déduisit qu'il avait été pris par ces esprits. Dont on avait entendu dire qu'ils allaient s'en saisir.
- Ça ne correspond pas à ce que la mère de Lina a raconté, intervint Adamsberg sourdement. Elle n'a pas dit que sa fille avait entendu des voix, ni des hennissements, ou qu'elle a vu des ombres. Elle a simplement vu Michel Herbier et trois autres types avec des hommes de cette armée.
- C'est parce que la mère n'a pas osé tout dire. Et parce qu'à Ordebec, on n'a pas besoin de préciser. Là-bas, quand quelqu'un dit « j'ai vu passer l'Armée furieuse », tout le monde sait très bien de quoi il retourne. Je vais mieux vous décrire l'Armée que voit Lina, et vous comprendrez que ses nuits ne soient pas douces. Et s'il y a une chose de sûre, commissaire, c'est que sa vie à Ordebec doit être très difficile. On la fuit certainement, on s'en méfie comme de la peste. Je crois que la mère est venue vous parler pour protéger sa fille, surtout pour cela.
- Que voit-elle ? demanda Zerk, cigarette pendant aux lèvres.
- Armel, cette vieille armée qui répand son fracas n'est pas intacte. Les chevaux et leurs cavaliers sont décharnés, et il leur manque des bras et des jambes. C'est une armée morte à moitié putréfiée, hurlante et féroce, qui ne trouve pas le ciel. Imagine cela..."

Fred VARGAS - L'Armée furieuse



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