Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°281 - Mardi 23 août 2011

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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WA Mozart -
concerto pour clarinette,
Adagio

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A l'ombre des roseaux

Champ-Pittet (Suisse)
samedi 9 juillet 2011

Foulque macroule timide

Jeune canard colvert s'étirant

Grèbe huppé entre ombre et lumière

Zen

Rencontre

Face à face

Toilette

Etang

Reflet

Nymphéa

Emergence

Narcisse

"Lotus blanc"

Troupe d'Oies (cendrées ?) : les migrateurs du Nord sont de retour...

L'étang, vu d'en haut,
en face : Sainte Croix et les Rasses

J'espère que ces quelques images vous auront apporté un peu de fraîcheur !



Petit texte :

"Petit à petit, les goules furent moins nombreuses et leurs cris moins puissants. Elles lâchaient prise, comme si Matteo et Mazerotti, à force de poursuivre leur marche avec obstination, avaient fini par sortir de leur territoire.
Ils ne s'arrêtèrent pas tout de suite pour souffler, certains que, s'ils le faisaient, ils ne trouveraient jamais la force de repartir. Ils marchèrent encore, d'un pas traînant de blessés. Ils réussirent enfin à sortir de la forêt, exsangues, et tombèrent à terre à la fois soulagés et terrifiés. Devant eux, à quelques mètres, se dressait une porte aux dimensions titanesques. Elle était haute de plus de dix mètres, noire et lourde comme les siècles. Sur les deux battants en bronze avait été sculptés des centaines de visages défigurés par la souffrance et l'épouvante. Les sculptures ressemblaient aux ombres qui les avaient harcelés. C'était comme si le bronze les avait faites prisonnières, bouches édentées, riant, bavant, criant de rage et de douleur. Visages borgnes et mâchoires tordues. Crânes cornus et langues de serpent. Toutes ces têtes, les unes sur les autres, empilées dans un horrible capharnaüm de dents et d'écailles, jaugeaient le visiteur et lui intimaient l'ordre de ne plus faire un pas. C'était la porte que l'on n'ouvre pas, celle du monde d'En-Bas où ne vont que les morts. Matteo et Mazerotti étaient arrivés au seuil des deux mondes et leurs corps d'hommes épuisés leur parurent dérisoires face à la monstrueuse éternité du bronze.

D'un coup, le curé Mazerotti s'affaissa. Il s'était levé pour contempler la porte de plus près, poser les mains sur les sculptures pour en admirer l'ouvrage et essayer de découvrir une serrure ou un moyen d'ouvrir les deux battants, et avait défailli. Il gisait maintenant à terre, la main sur la poitrine. Il résistait encore de toutes ses forces contre le mal qui lui rigidifiait les membres et l'empêchait de respirer mais il comprenait qu'il était temps de capituler. Matteo se précipita sur lui et lui prit la tête entre les mains. Il lui parla d'abord avec douceur, puis, voyant que le vieil homme l'entendait à peine, avec plus de vigueur. Don Mazerotti avait le teint grège et les lèvres blanches. Il ne sentait plus les mains de Matteo et n'entendait plus ses paroles. Ses yeux fixaient le vide comme s'il y voyait des ombres danser. Il murmurait si bas que même en se penchant Matteo ne parvint pas à savoir s'il s'agissait de prières ou d'ultimes recommandations. Tout, autour d'eux, devint doucement chargé de givre. Matteo cherchait désespérément un moyen de soulager son compagnon, de lui faire reprendre des forces – mais il ne savait comment s'y prendre. Alors il parla. Il supplia le vieil homme de tenir. Il le lui demandait avec ferveur. « Il faut se lever, don Mazerotti. Allez ! Vous m'entendez ? » Sa voix se perdait dans l'air gelé. « Don Mazerotti, accrochez-vous. Je vais rester là. Regardez-moi. Vous devez tenir. » Et le vieil homme clignait des yeux – signe qu'il entendait mais était trop faible pour répondre. « Don Mazerotti, nous allons reprendre la marche. Il faut entrer. » Matteo continuait mais, d'un coup, une sorte de sourire étrange passa sur les lèvres du curé et, rassemblant toutes ses forces, il serra les poings en disant, avec une voix de caverne : « Suis-moi », puis il jeta la tête en arrière dans un dernier râle et mourut. Matteo se figea. Il vit le torse du curé s'affaisser comme si la mort pressait dessus pour en extraire le dernier filet de vie et baissa la tête, comme un homme vaincu.

C'est alors que tout se mit à bouger. Une ombre flotta à quelques centimètres du corps du vieil homme. Elle se dirigea vers la porte et un bruit sourd de gonds rouillés retentit. La porte des enfers s'ouvrait. Matteo resta bouche bée. Les deux battants s'écartaient avec la lenteur des siècles. C'était comme si toutes les trognes de monstres sculptés prenaient vie. Elles semblaient gémir et grincer des dents, affamées par cette vie qui venait de s'éteindre et qui allait bientôt leur être présentée.

Matteo se leva. Il ne pensait plus à rien. Il savait simplement que c'était le moment, qu'il devait profiter de cet instant. Il suivit l'ombre et entra, laissant derrière lui le cadavre de don Mazerotti avec son étrange sourire sur les lèvres..."

La porte des enfers – Laurent GAUDE



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