Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°253 - Mardi 8 février 2011

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Trio de Piano D 929 - F. Schubert

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Cygnes et Foulques

Lac de Saint Point (Haut-Doubs)
dimanche 23 janvier 2011

Sur l'eau.

Dans le soleil du matin (deux Foulques).

Sur un tronc d'arbre gelé (toilette).

Repos sur la glace.

Etirements.

Toilette du cygne.

 



Petit texte :

"IT'S A NOMAD NOMAD WORLD

In one of his gloomier moments Pascal said that all man’s unhappiness stemmed from a single cause, his inability to remain quietly in a room. '
Notre nature," he wrote, est dans le mouvement... La seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement.' Diversion. Distraction. Fantasy. Change of fashion, food, love and landscape. We need them as the air we breathe. Without change our brains and bodies rot. The man who sits quietly in a shuttered room is likely to be mad, tortured by hallucinations and introspection.
Some American brain specialists took encephalograph readings of travellers. They found that changes of scenery and awareness of the passage of seasons through the year stimulated the rhythms of the brain contributing to a sense of well-being and an active purpose in life. Monotonous surroundings and tedious regular activities wove patterns which produced fatigue, nervous disorders, apathy, self-disgust and violent reactions. Hardly surprising then that a generation cushioned from the cold by central heating, from the heat by air-conditioning, carted in aseptic transports from one identical house or hotel to another, should feel the need for journeys of mind or body, for pep pills or tranquillisers, or for the cathartic journeys of sex, music and dance. We spend far too much time in shuttered rooms.
I prefer the cosmopolitan scepticism of Montaigne. He saw travel as a 'profitable exercise; the mind is constantly stimulated by observing new and unknown things ... No propositions astonish me, no belief offends me, however much opposed to my own ...
The savages who roast and eat the bodies of their dead do not scandalise me so much as those who persecute the living.'
Custom, he said, and set attitudes of mind, dulled the senses and hid the true nature of things. Man is naturally curious.
'
He who does not travel does not know the value of men,' said Ib'n Battuta, the indefatigable Arab wanderer who strolled from Tangier to China and back for the sake of it. But travel does not; merely broaden the mind. It makes the mind. Our early explorations are the raw materials of our intelligence, and, on the day I write this, I see that the NSPCC suggests that children I penned up in 'high-rise' flats are in danger of retarded mental development. Why did nobody think of it before?
Children need paths to explore, to take bearings on the earth in which they live, as a navigator takes bearings on familiar landmarks. If we excavate the memories of childhood, we remember the paths first, things and people second—paths down the garden, the way to school, the way round the house, corridors through the bracken or long grass. Tracking the paths of animals was the first and most important element in the education of early man.
The raw materials of Proust's imagination were the two walks round the town of Illiers where he spent his family holidays. These walks later became Méséglise and Guermantes Ways in
A la Recherche du Temps Perdu. The hawthorn path that led to his uncle's garden became a symbol of his lost innocence. 'It was on this way', he wrote, 'that I first noticed the round shadow which apple trees cast on the sunlit ground', and later in life, drugged with caffeine and veronal, he dragged himself from his shuttered room on a rare excursion in a taxi, to see the apple trees in flower, of the windows firmly shut for their smell would overpower his emotions. Evolution intended us to be travellers. Settlement for any length of time, in cave or castle, has at best been a sporadic condition in the history of man. Prolonged settlement has a vertical axis of some ten thousand years, a drop in the ocean of evolutionary time. We are travellers from birth. Our mad obsession with technological progress is a response to barriers in the way of our geographical progress..."

Bruce CHATWIN - Anatomy of restlessness

et la traduction :

"C'est un monde nomade nomade

Au cours d'un des moments les plus sombres de sa vie, Pascal écrivit que toute la tristesse de l'homme découlait uniquement de son incapacité à rester calmement dans une pièce.
« 
Notre nature, écrit-il, est dans le mouvement. La seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement. » Divertissement. Distraction. Fantaisie. Changement de mode, de nourriture, d'amour, de paysage. Nous en avons besoin comme de l'air que nous respirons. Sans changement notre cerveau et notre corps s'étiolent. L'homme qui reste tranquillement assis dans une pièce aux volets clos sombrera vraisemblablement dans la folie, en proie à des hallucinations et à l'introspection.
Des neurologues américains ont étudié des électroencéphalogrammes de voyageurs. Ils y ont constaté que les changements d'environnement et la prise de conscience du passage des saisons au cours de l'année stimulaient les rythmes du cerveau, ce qui apportait une sensation de bien-être et incitait à mener une existence plus active. Un cadre de vie monotone, des activités régulières et ennuyeuses entraînaient des types de comportement produisant fatigue, désordres nerveux, apathie, dégoût de soi-même et réactions violentes. Il n'est donc pas surprenant qu'une génération protégée du froid par le chauffage central, de la chaleur par la climatisation, véhiculée dans des moyens de transport aseptisés d'une maison – ou hôtel – identique à une autre, ressente le besoin de voyages, imaginaires ou réels, de stimulants ou de tranquillisants, ou de cures cathartiques de sexe, de musique et de danse. Nous passons beaucoup trop de temps dans des maisons fermées.
Je préfère le scepticisme cosmopolite de Montaigne : «
 Le voyager me semble un exercice profitable. L'âme y a une continuelle exercitation à remarquer les choses inconnues et nouvelles et je ne sache point meilleure école à former la vie que de lui proposer incessamment la diversité d'autres vies [...] Il y a plus de barbarie à déchirer par tourment et par géhenne un corps encore plein de sentiment que de le rôtir et manger après qu'il est trépassé. » L'habitude, disait-il, et les attitudes de l'esprit figées émoussent les sens et cachent la vraie nature des choses. L'homme est naturellement curieux.
« 
Celui qui ne voyage pas ne connaît pas la valeur des hommes », disait Ibn Battuta, l'infatigable vagabond arabe qui, par simple plaisir, alla de Tanger en Chine et retour. Mais le voyage n'élargit pas seulement les horizons mentaux, il structure l'esprit. Les explorations de notre prime enfance sont la matière première de notre intelligence et, le jour même où j'écris ces lignes, j'apprends qu'une enquête menée par la Société britannique pour la protection de l'enfance a montré que les enfants parqués dans les appartements des grands ensembles courent des risques de retard mental. Pourquoi personne n'y avait-il songé auparavant ?
Les enfants ont besoin de sentiers à explorer, de prendre leurs repères sur la terre où ils vivent, comme un navigateur s'oriente sur ses amers familiers. Si nous fouillons nos souvenirs d'enfance, nous nous remémorons en premier lieu les chemins, avant les choses et les gens : les allées du jardin, la route de l'école, le parcours dans la maison, les itinéraires dans la fougère ou dans les hautes herbes. Suivre la trace des animaux fut l'élément primordial de l'éducation des premiers hommes.
La matière première de l'imagination de Proust fut les deux promenades dans le village d'Illiers où il passait ses vacances avec sa famille. Elles devinrent plus tard les chemins de Méséglise et de Guermantes dans
A la recherche du temps perdu. Le sentier dans les aubépines qui conduisait au jardin de son oncle devint le symbole de son innocence perdue. C'est là qu'il remarqua pour la première fois l'ombre ronde que les pommiers projettent sur le sol éclairé par le soleil. Plus tard dans sa vie, drogué par la caféine et le véronal, ce n'est qu'en de rares occasions qu'il sortait, avec peine, de sa pièce close pour faire une excursion en taxi et voir les pommiers en fleur, les vitres fermées hermétiquement afin d'éviter que leur odeur ne vienne submerger ses émotions.
L'évolution nous destinait à être des voyageurs. Les séjours prolongés, dans une grotte ou dans un château, n'ont été au mieux que des épisodes temporaires dans l'histoire de l'homme. Nous n'avons habité en un lieu précis pour une longue période que depuis quelque dix mille ans, une goutte dans l'océan du temps de l'évolution. Nous sommes voyageurs dès notre naissance. Notre folle obsession du progrès technologique est une réaction face aux obstacles qui bloquent nos déplacements géographiques..."

Bruce CHATWIN - Anatomie de l'errance



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