Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°243 - Mardi 23 novembre 2010

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Fred Pellerin -
Au commencement du Monde

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Impressions d'Automne I
Astugue (Hautes-Pyrénées)
15 au 17 octobre 2010

Crocus à fleur nue (crocus nudiflorus), à ne pas confondre avec la Colchique...

Les potirons et les "butter-nuts" attendent la récolte.

Le soir, avant la traite, Sam part à la recherche du troupeau.

En "flou-filé" (il fait presque nuit !).

Descente du chemin forestier (avant la bergerie).

Virage à gauche sous le grand Châtaignier...

Dans la bergerie.

Préparation des fromages (frais, de brebis !) pour le marché du lendemain (le samedi
à Bagnères de Bigorre).

TéKiToi !

Sieste du matin (après la traite !).

Pat, sur le chemin.

Ronce.

Châtaigne (c'est de saison)...

Les couleurs changent...

Pat, sous un Châtaignier, au soleil.

D'autres Crocus...

Vus d'en haut...

Portrait d'Ida, jument Merens.

Hêtre.

Les agnelles (futures brebis) en troupe compacte...

... sous la surveillance de Pat et Balou !

Fougère.

Feuillage de Châtaignier.

Champ de Crocus à fleur nue.

Houx "fleuri"
Bientôt Noël !



Petit texte :

"Il vient toujours un moment où s'entrouvrent réellement les portes des grands espaces. Et ces frontières peuvent être précisées. Elles couvrent quelques dizaines ou centaines de mètres, apparaissent à un tournant, sur une crête, avec la montée d'un nouvel horizon, mais leur caractère commun est de marquer la limite au-delà de laquelle la terre se déploie à une autre échelle qu'à celle de l'homme, de ses pensées coutumières, lesquelles neuf fois sur dix se rapportent à des besoins immédiats, matériels. Les décors de chaque jour conviennent à ce genre de cogitations, même les sollicitent, car modelés par sa présence et ses travaux, ils rassemblent aussi, arbres, champs, édifices, maints détails associés à la vie courante, en sorte que tout ambitieux se mêlant de philosopher, c'est-à-dire survoler l'instant présent, doit pour commencer faire place nette, et chasser aux idées, s'il en trouve, entre quatre murs plus ou moins dépouillés.
Le désert rend ces retraites inutiles. Il abolit à la fois les signes de l'abondance et ceux de la vie. Le voyageur s'y trouve bon gré mal gré confronté avec une autre dimension du réel qui l'oblige à fuir ou bien se dépasser. La première réaction paraît la plus fréquente, et la peur de la solitude et du silence caractérise nombre de contemporains. Projetés grâce à une mécanique quelconque en pleine nature sauvage, ils n'ont de cesse d'y rétablir un coude à coude réconfortant et les vacarmes de la ville. Ainsi se fournissent-ils l'illusion de vivre, tout en évitant soigneusement une rencontre dont les suites pourraient les entraîner un peu loin, par exemple à prendre conscience de leur propre vide, et finir par y choir. Cette attitude panique témoigne assez du grégarisme, de la fragilité des esprits, et de la valeur réelle de la civilisation qui les a conditionnés. Elle dément curieusement les assurances de « progrès » dont nous sommes chaque jour comblés.
L'autre choix est celui des êtres assez vivants, assez armés pour ne rien craindre d'un affrontement avec les aspects les plus déshumanisés et, dans un sens, les plus inquiétants de la planète. L'absence de références devient ici totale, ressentie de bien des manières, tandis que se nouent entre l'univers et l'homme des relations nouvelles, ou simplement oubliées. L'isolement dans l'espace, premier avatar, fournit à lui seul une expérience mémorable, rétablissant le corps dans ses apanages naturels de dignité, d'harmonieux échanges, de liberté. Car il existe un avilissement physique, et à la longue mental, de l'individu noyé dans une foule, forcé d'en subir les contacts, une pollution de la promiscuité ; épreuve qui peut atteindre son comble dans les métropolis modernes. Mais les déserts ressuscitent les temps lointains où ce même homme surgissait à l'orée de perspectives vierges, ambassadeur d'une espèce rare et dépourvue, roi solitaire de nombreux royaumes à venir. L'héritage n'est pas tout à fait perdu, et il arrive qu'au-delà d'apparences fort humbles, des bergers, des nomades, portent secrètement pourpre et couronne.
Les fracas divers produits par les machines tendent à l'isolement cosmique d'une humanité devenue obscure à ses propres yeux. Le silence, dès qu'il étend ses lacs de cristal, rend les choses transparentes et leur langue déchiffrable. Pour qui sait encore le découvrir, l'honorer, les grands espaces demeurent pleins de messages et de révélations. Ils amplifient tout d'un coup le murmure des voix intérieures, imposent aux bruissements des sens et de l'esprit un rythme égal et solennel, comme si la coupole entière du ciel devenait la coquille au fond de laquelle on entendait respirer un dieu. Ou peut-être qu'enfin l'on s'entend vivre, respirer soi-même ? C'est en tout cas le son ou l'absence de son – car il est difficile de distinguer – qui terrifie certaines gens.
Vertus majeures des étendues désertiques, l'espace et le silence ont d'ailleurs partie liée. Ils mettent le visiteur en état de grâce, et le monde que chacun porte en soi, avec un soleil secret et des astres satellites, cesse de tourner en vase clos pour s'élargir à d'autres dimensions, résonner à d'autres ondes, s'ouvrir à d'autres feux. Tout y entraîne par le jeu de sensations convergentes, inhabituelles. L'aridité du paysage a d'abord coupé court aux spéculations utilitaires, tandis que sa minéralisation progressive, l'alchimie par laquelle les lignes, les volumes, les couleurs n'ont cessé de se simplifier, s'épurer dans les creusets de l'absence et de la lumière, hausse naturellement la pensée à un niveau où s'effacent les intérêts et les destins individuels, où les siècles battent les secondes, où émergent des questions antiques, lancinantes, à propos des trajectoires de la vie, de sa finalité. Alors chaque rocher devient un sphinx veillant sur une énigme, et le passant, même à la cervelle engourdie faute d'usage, ressent la présence de grandeurs incommensurables, et plane à la cime de son être. On comprend par quel biais la pratique des déserts a pu fournir l'illustration d'une aventure spirituelle : une réalité unique, transcendante, atteint simultanément ici le regard et le plus profond de la conscience. Ce n'est pas l'effet du hasard mais d'un choix calculé si les quêteurs d'absolu, à différentes époques et en toute civilisation, découvrirent leur Dieu parmi les pierres et les silences..."

Samivel - L'Oeil émerveillé ou la Nature comme spectacle



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