Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°241 - Mardi 9 novembre 2010

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
explications sur le nom de cette lettre : [ici]
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l'exposition à la mairie de Courvières
80 personnes personnes sont venues ces samedi et dimanche...


Le retour des Grues - Le Peuple Migrateur
(musique de Bruno Coulais)

Pour regarder et écouter,
cliquez sur la flèche au bas de l'image...

 



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Le retour des Cigognes
Pontarlier (Haut-Doubs)
Dimanche 26 septembre 2010

Devant la zone industrielle de Pontarlier !

Compagnons ...

Etirements.

Toilette.

A la recherche...

... d'un ver de terre !

Encore un !

De face.

De dos.

Le groupe.
<image recadrée>

Envol (suite au passage d'un ULM !)

Pour voir le passage des Cigognes en 2008,

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Petit texte :

"CEYLAN

Ceylan, la plus belle des grandes îles du monde, avait dans les années 29, la même structure coloniale que l'Inde et la Birmanie. Les Anglais se retranchaient dans leurs quartiers et dans leurs clubs, entourés d'une foule immense de musiciens, de potiers, de tisserands, d'esclaves des plantations, de moines vêtus de jaune et de gigantesques dieux sculptés dans les montagnes de pierre.
Entre les Anglais, tous les soirs en smoking, et les Hindous inaccessibles en leur fabuleuse immensité, je ne pouvais choisir que la solitude ; c'est pourquoi cette époque a été la plus solitaire de ma vie. Mais je la revois aussi comme la plus lumineuse, comme si un éclair d'une brillance extraordinaire s'était arrêté à ma fenêtre pour embraser intérieurement et extérieurement mon destin.
Je m'installai dans un petit bungalow de Wellawatha, près de la mer. C'était une zone déserte, où les vagues venaient se briser contre les récifs. La nuit, la musique marine redoublait.
Le matin, le miracle de cette nature fraîche lavée m'ahurissait. Très tôt, je rejoignais les pêcheurs. Les embarcations munies de très longs flotteurs ressemblaient à des araignées de mer. Les hommes retiraient de leurs filets des poissons aux couleurs vives, des poissons pareils aux oiseaux de la forêt sans fin, certains d'un bleu de nuit phosphorescent comme un intense velours vivant, d'autres en forme de ballon piquant qui se dégonflait et n'était plus pour finir qu'une pauvre bourse d'épines.
Je contemplais avec horreur le massacre des joyaux marins. On vendait le poisson par morceaux à la population pauvre. Le coutelas des sacrificateurs écartelait cette matière divine de la profondeur pour la transformer en marchandise ensanglantée.
En suivant la côte, j'arrivai au bain des éléphants. Accompagné de mon chien, je ne pouvais pas me tromper. De l'eau tranquille surgissait un champignon gris immobile, qui se changeait ensuite en serpent, puis en tête immense, et enfin en montagne armée de défenses. Aucun pays au monde n'avait et n'a encore autant d'éléphants au travail sur les chemins. C'était un spectacle étonnant de les voir – maintenant loin du cirque ou des grilles du zoo – en train de transporter ici et là leurs chargements de bois, comme de laborieux et énormes journaliers.
Mes seuls compagnons étaient mon chien et ma mangouste. Celle-ci, depuis sa sortie de la forêt, grandissait à mon côté, dormait dans mon lit et mangeait à ma table. Nul ne peut imaginer la tendresse d'une mangouste. Mon tout petit animal connaissait chaque minute de mon existence, se promenait dans mes papiers et courait derrière moi toute la journée. Il se lovait entre mon épaule et ma tête à l'heure de la sieste et dormait là, de ce sommeil agité et électrique des animaux sauvages.
Ma mangouste apprivoisée devint célèbre dans le quartier. Les batailles continuelles qu'elles soutiennent courageusement contre les cobras redoutables donnent aux mangoustes un prestige presque mythologique. Je crois, les ayant vues lutter très souvent contre les serpents, qu'elles triomphent d'eux seulement par leur agilité et leur poil épais, d'une couleur poivre et sel, qui les déconcerte et les abuse. On pense là-bas que la mangouste, après avoir vaincu ses ennemis venimeux, part en quête d'herbettes qui lui servent de contrepoison.
Toujours est-il que le prestige de ma mangouste – qui me suivait chaque jour dans mes longues randonnées sur les plages – voulut qu'un après-midi tous les enfants du faubourg arrivassent chez moi en imposante procession. Un horrible serpent était apparu dans la rue et ils venaient chercher Kiria dont ils s'apprêtaient à célébrer le triomphe. Suivi de mes admirateurs – plusieurs bandes de gamins tamouls et cinglais vêtus de simples pagnes -, je pris la tête de l'escorte guerrière avec ma mangouste dans les bras.
L'ophidien était une phollongha noire, dite aussi serpent de Russel, à la piqûre mortelle. Elle prenait le soleil dans l'herbe, sur une canalisation blanche où elle se détachait comme un fouet sur la neige.
Les gamins restèrent derrière moi, silencieux. J'avançai au long du conduit et à deux mètres environ du serpent, je lâchai ma mangouste. Kiria renifla l'air, détectant le danger, et se dirigea à pas lents vers la pollongha. Nous retînmes tous notre souffle. La grande bataille allait commencer. Le serpent se lova, dressa la tête, ouvril la gueule et braqua son regard hypnotique sur le petit animal. La mangouste continua d'avancer. Mais à quelques centimètres de la bouche du monstre elle se rendit compte de ce qui allait se passer. Alors elle fit un grand bond en arrière et, rebroussant chemin à une allure vertigineuse, planta là serpent et spectateurs. Elle ne cessa de courir qu'une fois à l'abri dans ma chambre. C'est ainsi qu'il y a plus de trente ans je perdis mon prestige dans le faubourg de Wellawatha..."

Pablo Neruda - J'avoue que j'ai vécu



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