Le Trochiscanthe nodiflore [TN] n°236 - Mardi 5 octobre 2010

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Serge Prokofiev -
Pierre et le Loup

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Vie sauvage sur l'Estive
Arriousec (au dessus du Lac d'Estaing), Hautes-Pyrénées
du mardi 24 au vendredi 27 août 2010

Aconit napel.

Eryngium bourgatii ou Panicaut des Pyrénées (sous la brume)
(pour voir un article sur d'autres Eryngium, cliquez
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Sommets.

Autre Eryngium bourgatii au soleil.

De l'eau, dans un bassin artificiel.

Rougequeue noir, à sa toilette.

Perché sur un rocher de l'estive.

Fin de sa toilette.

Jeune marmotte intrépide (loin de son terrier !).

Marmotte adulte sifflant.

mais, il n'y a rien à craindre (?).

Sortie de deux autres jeunes...

L'estive, vue à proximité du terrier...

Rochers.

Aconit napel, en contre-jour.

Le ruisseau, en flou-filé.

Bleu !

Brumes.



Petit texte :

"Simple soir d'été sur Gavarnie

Pure soirée d'août. Col du Mourgeat. Deux milles mètres d'altitude. Seul. Voluptueux coucher du soleil sur les parois du cirque de Gavarnie. Loin, si loin des foules. Paix. Fraîcheur qui descend à pas de velours sur les yeux, le visage, les cuisses cramées de soleil.
Dans le silence, à peine troublé par les sifflets d'une unique marmotte, je savoure l'évolution subtile des couleurs sur les falaises des Astazous, l'insensible passage de l'orange au rose sur les grès ocrés du Marboré. La lumière est ce soir d'une pureté exceptionnelle, préfigurant déjà les superbes journées d'automne où chaque détail du paysage semble ciselé par un éclairage sans défaut.
A mes pieds le versant déroule ses pelouses et ses pierriers jusqu'à la forêt, quatre cents mètres plus bas.
Sérénité, calme profond, intense, immense, presque irréel pour un mois d'août sur Gavarnie. Pas un seul être humain en vue, pas un seul... Juste cette marmotte qui insiste et transperce régulièrement le grand silence.
L'éclairage rasant, mordoré, allume ce soir des reliefs que je n'avais jamais remarqués jusqu'alors. Entre large contemplation et méthodique revue de détail je m'emplis les yeux de ce somptueux spectacle.
Le soleil déclinant dans mon dos, l'ombre monte sur le versant qui me fait face, elle va bientôt atteindre la lisière supérieure du bois du Pailla. Je joue et je guette à la fois. La progression du gouffre d'ombre engloutissant peu à peu le versant est insensible et pourtant indéniable. Impossible de réellement suivre « à vue d'oeil » cette frange d'obscurité ; mais, à peine je la quitte des yeux deux minutes et déjà elle a bondi de plusieurs mètres, avalant quelque pin, vert tout à l'heure, noir maintenant, quelque caillou mordoré tout à l'heure, gris maintenant...
Toujours imperturbable semble-t-il, la marmotte siffle encore et encore.
Quand même ! A force ! Les appels insistants de la petite sentinelle des montagnes me tirent enfin de ma contemplation, m'intriguent, me décident à parcourir des jumelles ce ciel d'aquarelle, bleu clair légèrement lavé de rose... Non, nul grand rapace en vue. Qui pourrait ainsi déclencher l'ire de la petite guetteuse alors ?
J'inspecte maintenant méticuleusement le versant que je domine. Là, sur ce vert qui très lentement ternit, une tache rousse : renard ! Non, voyons, deux renards... Non, trois, quatre. Quatre renards maintenant ! Ou plutôt... Bien reconnaissables à leur allure un peu dégingandée, curieux mélange de vivacité et de légère balourdise, ce sont quatre renardeaux de l'année qui jouent comme de jeunes chiots.
Bien vite, coudes calés sur les genoux, jumelles rivées aux yeux, je bascule complètement vers les quatre petits lurons.
Ce ne sont que mêlées, bonds, gambades, courses poursuites, « plaquages » divers, qui se succèdent à un rythme effréné.
La brave marmotte a beau s'égosiller c'est visiblement le dernier de leurs soucis.
Malgré l'aspect ludique de la scène, le comportement de prédation transparaît nettement dans ces joutes pour rire et j'appréhende combien ces jeux sont en effet pour beaucoup apprentissage de la vie d'adulte.
Comme le chasseur de campagnols qu'il va bientôt devenir, le renardeau approche déjà sa « proie » avec des pas mesurés, délicats ; le corps se rase au sol, les sens sont tendus vers leur objectif ; enfin un grand bond le précipite sur... son frère. Qui d'ailleurs le regardait venir depuis le début ! Un court corps à corps, quelques mordillements, puis le jeu recommence. Pendant près d'une heure ils vont jouer ainsi recommençant indéfiniment joutes et poursuites. Enfin – à quel signal ? - ils vont partir en chasse, se déplacer sur l'estive.
Les marmottes maintenant les inquiètent bigrement, ils s'en approchent avec grand circonspection ou carrément les évitent par un ostensible détour. L'un d'eux se fait même charger par le gros rongeur et déguerpit sans demander son reste.
Chacun de son côté, mais jamais très éloignés les uns des autres, les renardeaux explorent le pâturage, reniflant sous chaque touffe de genévrier, s'intéressant à chaque petit accident de terrain... L'un d'eux tourne et vire maintenant au même endroit. Il semble avoir repéré un campagnol qui lui échappe obstinément malgré les coups de pattes répétés contre le sol, ses multiples tentatives de morsure. Deux de ses frères se rapprochent avec intérêt. Oreilles couchés, montrant les dents, il leur fait bien comprendre qu'il n'est pas du tout prêt à partager sa trouvaille...
En une demi-heure de « chasse » je n'en verrai aucun réussir à attraper une quelconque proie. Jamais non plus je n'aurai vu d'adulte en leur compagnie. Il est 21 heures bien passées, lentement la nuit se referme sur l'estive. Je ne vois bientôt plus que quatre petites taches grises et mouvantes dans le cercle des jumelles... Je ne vois plus.
D'un geste et d'un sourire je remercie les quatre renardeaux pour le bonheur qu'ils m'ont apporté et je m'éclipse discrètement vers le monde des hommes."

Laurent Nedelec, vallée de Luz – Mémoire de terrain (récits des gardes-moniteurs du Parc National des Pyrénées)



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