Petit texte :
"Au
bord de la rivière, une sente de pêcheur s'insinue dans
les fourrés humides, grimpe sur la berge qui s'écroule,
s'enlise dans une anse boueuse. Dans les ombrages, les eaux murmurent
ou cascadent, le Loriot siffle, les Fauvettes et les Pouillots babillent.
Soudain une voix éclate, véhémente et saccadée,
qui domine un instant puis se tait brusquement. L'auteur, le voici
: une toute petite boule de plumes brunes, piquée d'une minuscule
queue dressée, qui se faufile comme une souris entre les racines
et les branches. Le Troglodyte, si petit qu'il soit, ne laisse guère
ignorer sa présence, et on ne peut le confondre avec aucun
autre.
Qu'il est amusant de l'observer ! Campé sur une souche, tête
levée et ouvrant son bec fin et arqué, il chante de
nouveau. Comment l'oiseau nain peut-il émettre des sons aussi
retentissant ? Prestement, il descend, court ou sautille le long de
la berge, disparaît dans l'enchevêtrement des racines.
Un instant plus tard, il surgit sous un tronc abattu et franchit quelques
mètres d'un vol rasant, direct et rapide, les courtes ailes
arrondies vibrant comme celles d'un insecte. La sonnerie alerte s'élève
derrière les orties et les ronces où il s'est introduit.
Fureteur infatigable, le Troglodyte explore tous les recoins, les
crevasses, les trous ; il grimpe au bas d'un tronc en inspectant les
fissures de l'écorce, il s'enfonce dans la jungle des plantes
comme dans les fouillis de branches mortes et les tas de fagots abandonnés.
L'oiselet ne s'attarde pas à découvert ; à ces
moments-là, il montre bien son inquiétude en dressant
sa queue fermée et en l'agitant nerveusement. Dès que
la tension diminue, il abaisse la queue presque à l'horizontale.
Sans être farouche, il garde ses distances et se dérobe
vite devant une trop vive curiosité..."
Paul
GEROUDET - les
Passereaux d'Europe