Mardi 20 janvier 2009
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2 chamois sont passés...

Dimanche 4 Janvier 2009
La Cluse et Mijoux (Haut-Doubs)

Eglantier givré (il fait - 15°c !).

Arrivée d'un jeune chamois (1 an ou 2).

Il va passer devant moi sur un éperon rocheux.

Saut.

.

Arrivée d'un jeune mâle adulte (il suivait le premier).

Il va suivre le même chemin.

Dommage, je lui ai coupé le pied en cadrant...

Le "bleu du Paradis" (?).

Il marque un arrêt pour regarder ce qui se passe au fond de la Cluse...

... et descend tranquillement.

Vues sur le Château de Joux (où sont les chamois ?).




Petit texte :

"A l'heure où Antonello chargeait sa mule, quelque part entre Asciano et Sienne, avant de reprendre la route de Florence, Benozzo Gozzoli, agenouillé dans l'une des cellules du couvent de San Marco, semblait contempler un étrange spectacle. Debout en haut d'un échafaudage qui lui faisait toucher le plafond, un curieux pénitent récitait son rosaire. Sa robe blanche était maculée de peinture, son regard fixait la muraille vierge, semblant y chercher le signe mystérieux d'un autre monde : Giovanni da Fiesole priait, comme chaque matin, avant de peindre. Deux pauvres lampes à huile et une chandelle éclairaient la scène, faisant trembler les ombres et briller les tonsures de deux jeunes moines agenouillés près de Gozzoli.
Soudain l'oeil de l'Angelico s'éclaira.
- La peinture à fresque, mes frères, est la plus belle, dit-il doucement. Je vous le répète chaque jour, mais c'est qu'il faut chaque jour se rappeler avec humilité que le travail que nous commençons doit être achevé dans la journée. Quand ce mur sera sec, il ne sera plus temps d'y poser son pinceau. Et dites-vous qu'aujourd'hui, nous travaillons peut-être pour des siècles. Je prie pour que notre oeuvre, qui est celle du bon Dieu, acquière en s'estompant avec le temps la douceur et la beauté céleste.
Son pinceau, si fin qu'on le disait fait de cheveux d'ange, commença alors à courir sur la surface légèrement rugueuse, y laissant l'esquisse à peine visible, mais qu'il était impossible de ne pas identifier, de la Vierge et de l'Enfant. Bientôt, un toit dont dont devinait le chaume, puis des silhouettes, qui allaient devenir saint Pierre et sainte Catherine d'Alexandrie se détachaient à leur tour : la « Vierge entourée des saints » prenait miraculeusement forme sous les doigts habiles de l'Angelico.
Dans la pénombre du couloir, Benozzo Gozzoli semblait présider à une cérémonie rituelle. Sous sa directive, les deux jeunes moines apprentis préparaient les couleurs pour le maître. A la lueur d'une lampe fumeuse, le premier broyait le travertin, y ajoutant parfois une trainée de colle. L'autre novice écrasait des grenats et du cinabre dans un mortier. C'était la cuisine des anges où s'élaboraient les teintes qui allaient bientôt couvrir la chaux mouillé du mur. Elles allaient y perdre instantanément leur éclat, mais le bienheureux frère Angelico connaissait exactement l'intensité qu'elles retrouveraient en séchant. Car l'Angelico savait tout : « Je peins avec le bleu du Paradis », disait-il en étendant l'azuline sur la robe de Marie.
Une journée commençait, semblable à celles d'hier et d'avant-hier et pourtant différente. Gozzoli, qui vénérait son maître, constatait, en le regardant peindre, combien les scènes dont il décorait peu à peu les murs du monastère se distinguaient les unes des autres par leurs couleurs et leur composition. Certes, on ne pouvait se méprendre sur l'identité de l'artiste : il n'existait pas, dans toute l'Italie, une autre main capable de donner à ses personnages des visages et des attitudes exprimant autant la sincérité de la foi, mais chaque fresque, chaque tableau reflétait une inspiration qui variait au gré d'une vie intérieure dont les impulsions lui étaient, assurait-il, dictée par Dieu.
On disait que les élèves de Fra Angélico sortaient transformés de sa fréquentation à la fois laborieuse et paternelle. Cela avait été vrai pour Gentile da Fabriano dont ses admirateurs assuraient que « dans la peinture il avait la main semblable à son nom » et pour Domenico di Michelino. C'était vrai aussi pour Benozzo Gozzoli qui s'imprégnait chaque jour davantage de l'enseignement mystique du maître. A vingt-trois ans, l'ancien compagnon des Imbrattaleli avait pourtant eu une adolescence dissipée. Comme la plupart des jeunes peintres de l'époque, il avait commencé par apprendre à dessiner chez un orfèvre puis avait délaissé l'établi pour tâter de la vie plus aventureuse du sculpteur et du peintre. Il avait travaillé un moment en qualité d'aide de Ghiberti pour la seconde porte du baptistère de Florence et avait commencé une vie de nomade sur les chantiers d'Ombrie et du Latium. Grand, solide, le visage brut de formes, il était le type même du jeune Florentin tenté par l'aventure, qui ne s'encombrait guère de scrupules. On l'aurait bien vu dans une ligne de hallebardiers au service d'un condottiere. Il avait préféré le pinceau et ne s'en trouvait pas mal, jusqu'au moment où, mêlé à une rixe sanglante, il avait dû quitter dans l'heure ses amis romains et gagner Florence.
Peut-être serait-il devenu le mauvais garçon que ses frasques et sa fuite précipitée annonçaient si le hasard ne lui avait pas fait rencontrer le sculpteur Gentini dont la bonté palliait le manque d'envergure et qui, d'un passage rapide chez les novices de San Domenico da Fiesole, avait gardé depuis sa jeunesse l'affection de Fra Giovanni.
- Tu cherches un travail ? Avait-il dit à Gozzoli. Va voir sans attendre mon ami Fra Angelico. Cosme de Médicis lui a confié la décoration du monastère de San Marco et il cherche un aide capable.
- Hélas ! Ma réputation n'est pas irréprochable. Jamais Fra Angélico qui, dit-on, est un saint, ne voudra de moi.
- Qu'en sais-tu ? C'est le propre des saints de ramener les brebis égarées dans le troupeau. Il ne te jugera que sur ton travail et ton talent !
C'est ainsi que Benozzo Gozzoli se retrouva un jour à prier, contemplant, les larmes aux yeux, Fra Giovanni déposer de son pinceau inspiré des anges éblouissants sur les murs austères de San Marco."

Au temps où parlait la Joconde... - Jean DIWO


Illustration des fresques de "Fra Angelico" par un petit diaporama,
sur une musique de JS Bach (suite pour orchestre BWV 1060).

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