Petit texte :
Forêts jardinées
("Plenterwald")
"Lorsque la canopée de l'étage dominant
devient plus ou moins discontinue sur toute la
surface, les apports de lumière, de chaleur et de
pluie se différencient, offrant à des arbres isolés
la possibilité de s'installer dans les espaces
vacants sur toute la hauteur de étage dominant. Les
régénérations de l'essence en place ou les autres
essences qui s'établissent ne se concentrent plus
par groupe dans des trouées et à leur pourtour, mais
se dispersent dans tout l'espace de la futaie, dans
sa dimension horizontale aussi bien que verticale.
Quand toutes les strates de l'espace d'un peuplement
sont occupées par des sujets bien individualisés
d'une ou de plusieurs essences, on parle de forêt
jardinée.
La structure du peuplement se différencie
fondamentalement de celle des forêts à un ou
plusieurs étages, mais présente des transitions
continues par rapport à la forêt irrégulière par
bouquets. L'ensemble du volume du peuplement est
occupé en permanence par du feuillage. La production
de biomasse s'effectue de façon continue, et comme
la forêt se reconstitue en permanence par le bas, la
durée de vie des forêts jardinées et théoriquement
illimitée. Tous les stades de développement sont
présents en même temps sur la même surface,
c'est-à-dire que tous les stades de la vie des
arbres sont représentés, du semis au vétéran (Trepp
1974).
Si l'on analyse le volume sur pied d'une forêt
d'après la grosseur des troncs (les "classes de
grosseur"), on obtient une distribution normale du
volume sur pied, présentant dans le cas de la forêt
jardinée une augmentation continue en fonction de la
grosseur des tiges, alors que dans le cas de la
forêt à un étage elle correspond à une courbe de
Gauss, soit une distribution normale en forme de
cloche.
Dans les peuplements jardinés typiques, la courbe du
nombre de tiges commence par un maximum, et décroît
en s'aplatissant nettement vers les plus gros
diamètres. En d'autres termes, le pourcentage de
tiges de faible grosseur, d'abord élevé, décroît
rapidement puis plus lentement dans les grosses
classes de diamètre. Il en va fondamentalement de
même en futaie régulière si l'on considère des
surfaces importantes, la différence résidant dans le
fait qu'en futaie jardinée la décroissance du nombre
de tiges se retrouve sur une même surface, quelle
que soit sa taille.
Il arrive fréquemment sur les stations productives
que le nombre de tiges soit relativement faible dans
la strate moyenne, de sorte que les peuplements
présentent plus ou moins une structure à deux
strates. La courbe du nombre de tiges décroît alors
brutalement des classes de diamètre inférieures vers
les moyennes. Ce phénomène s'explique par la
rapidité du passage de l'étage moyen à l'étage
dominant, dès qu'une diminution de l'ombrage le
permet. Les arbres demeurent longtemps en position
d'attente, puis opèrent à toute allure le passage
vers l'étage dominant où ils demeurent longtemps,
une fois terminée la croissance en hauteur. Ce
comportement dynamique de l'étage moyen est bien
marqué dans les futaies jardinées d'épicéas et de
sapins (Leibundgut 1972), mettant en évidence une
tendance à la destratification, souvent inhérente
aux forêts européennes."
Ecologie Forestière - Hans-Jürgen
OTTO