Mardi 29 octobre 2008
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Cascades du Hérisson (Jura)
samedi 11 octobre 2008

Le Hérisson...

... coule en cascade.

Un cincle plongeur se laisse observer.

Méfiant, il m'observe.

Une truite et son ombre.

Le cincle, maintenant dans l'ombre.

La tête sous l'eau, à la recherche d'insectes.

Essai de "flou-filé".

Dernières cascades...

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Petit texte :

"2

Et voilà.
C'était exactement ce qui s'appelle être dans la merde. Et depuis combien de temps ? Disons deux ans.
Et au bout de deux ans, le coup du tunnel. Marc tapa du bout du pied dans un caillou et le fit progresser de six mètres. Il n'est pas facile à Paris de trouver sur les trottoirs un caillou dans lequel taper. A la campagne, oui. Mais à la campagne, on s'en fout. Tandis qu'à Paris, il est parfois nécessaire de trouver un bon caillou dans lequel taper. C'est ainsi. Et, brève étincelle dans la merde, Marc avait eu la chance il y a une heure de trouver un caillou tout à fait correct. Donc, il tapait dedans et le suivait.
Cela l'avait mené jusqu'à la rue Saint-Jacques, non sans quelques ennuis. Interdit de toucher le caillou avec la main, le pied seul a le droit d'intervenir. Donc, disons deux ans. Pas de poste, pas de fric, plus de femme. Aucune remontée en vue. Sauf la baraque, peut-être. Il l'avait vue hier matin. Quatre étages en comptant les combles, un petit jardin, dans une rue oubliée et dans un état calamiteux. Des trous partout, pas de chauffage et les toilettes dans le jardin, avec un loquet en bois. En clignant les yeux, une merveille. En les ouvrant normalement, un désastre. En revanche son propriétaire en proposait un loyer de misère sous condition d'améliorer l'endroit. Avec cette baraque, il pourrait se démerder. Il pourrait loger le parrain aussi. Près de la baraque, une femme lui avait posé une drôle de question. Sur quoi au fait ? Ah oui. Le nom d'un arbre. C'est drôle comme les gens ne connaissent rien aux arbres alors qu'ils ne peuvent pas s'en passer. Ils ont peut-être raison, au fond. Lui, il savait nommer les arbres et ça l'avait avancé à quoi, au juste ?
Le caillou dérailla dans la rue Saint-Jacques. Les cailloux n'aiment pas les rues qui montent. Il s'était fourré dans un caniveau, juste derrière la Sorbonne en plus. Adieu le Moyen Age, salut. Salut les clercs, les seigneurs et les paysans. Salut. Marc serra les poings dans ses poches. Plus de poste, plus de fric, plus de femme et plus de Moyen Age. Quelle vacherie. Marc guida avec habileté le caillou du caniveau sur le trottoir. Il y a un truc pour faire monter un trottoir à un caillou. Et Marc connaissait bien ce coup, autant qu'il connaissait le Moyen Age, lui semblait-il. Ne plus penser au Moyen Age, surtout. A la campagne, on n'est jamais confronté à ce défi que représente l'escalade d'un trottoir pour un caillou. C'est la raison pour laquelle on se fout de pousser des cailloux à la campagne alors qu'il en existe par tonnes. Le caillou de Marc traversa en beauté la rue Soufflot et aborda sans trop de problèmes la partie étroite de la rue Saint-Jacques.
Disons deux ans. Et au bout de deux ans, le seul réflexe d'un homme dans la merde est de chercher un autre homme qui soit dans la merde.
Car fréquenter ceux qui ont réussi là où vous avez tout raté à trente-cinq ans aigrit le caractère. Au début bien entendu ça distrait, ça fait rêver, ça encourage. Ensuite, ça énerve et puis ça aigrit. C'est assez connu. Et Marc ne voulait surtout pas devenir aigri. C'est moche, c'est risqué, surtout pour un médiéviste. Le caillou, sous une forte impulsion, atteignit le Val-de-Grâce.
Il y en avait bien un dont il avait entendu dire qu'il était dans la merde. Et, d'après les nouvelles récentes, Mathias Delamarre semblait être authentiquement dans la merde depuis un bon bout de temps. Marc l'aimait bien, beaucoup même. Mais il ne l'avait pas revu depuis ces deux ans. Mathias pourrait peut-être marcher avec lui pour louer la baraque. Car, ce loyer de misère, Marc ne pouvait pour l'instant qu'en fournir le tiers. Et la réponse à donner était urgente.
Soupirant, Marc poussa le caillou jusqu'à la porte d'une cabine téléphonique. Si Mathias marchait, il pouvait peut-être enlever l'affaire. Seulement, il y avait un gros ennui, avec Mathias. C'était un préhistorien. Et pour Marc, quand on avait dit ça, on avait tout dit. Mais était-ce le moment d'être sectaire ? Malgré ce fossé terrible qui les séparait, ils s'aimaient bien. C'était bizarre. Et c'est à cette chose bizarre qu'il fallait penser et non pas à ce choix aberrant qu'avait fait Mathias, cette consternante époque des chasseurs-cueilleurs à silex. Marc se souvenait de son numéro de téléphone. On lui répondit que Mathias n'habitait plus là, et on lui donna un nouveau numéro. Résolu, il recommença. Mathias était chez lui. En entendant sa voix, Marc respira. Qu'un type de trente-cinq ans soit chez lui un mercredi à quinze heures vingt est la preuve tangible qu'il est dans la merde de première qualité. C'était déjà une bonne nouvelle. Et quand ce type accepte, sans autre explication, de vous retrouver dans une demi-heure dans un café sans gloire de la rue du Faubourg-Saint-Jacques, c'est qu'il est mûr pour accepter n'importe quoi.
Encore que."

Fred Vargas – Debout les morts.



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