Mardi 21 octobre 2008
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Image de l'exposition qui se trouve en ce moment à Embrun (Hautes-Alpes),
au Cyberspace Omnis (30 rue de la Liberté).

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Bouquetins dans la brume

Creux du Van (Suisse)
dimanche 21 septembre 2008

Troupe d'étagnes (bouquetins femelles).

Une femelle rumine.

Plus loin, une troupe de bouquetins mâles.

Les cornus.

Cornes et Gentianes.

Le plus vieux de la troupe : le "Philosophe" !

Portrait.

ça gratte !

Portrait du "Philosophe".

Retour auprès de la troupe de femelle et de jeunes.
Portrait d'une jeune femelle (dans un rayon de soleil !).

Un jeune de l'année.

Quand la brume se leva enfin !



Petit texte :

"Soudain une autre espèce de bruit jaillit du côté de l'arête sud, où d'énormes feuillets de gneiss s'entassent les uns sur les autres en portants de décor. Un son à la fois amorti et percutant. C'est une grosse pierre qui vient de faire mouche sur le névé. A la même seconde plusieurs silhouettes fourchues se profilent sur le ciel à moins de cinquante mètres, à la fois souples et massives. Les bouquetins. D'abord de jeunes adultes de quatre ou cinq ans. Puis d'autres personnages plus âgés, ceux-ci lourdement coiffés d'un double hennin de corne puissamment recourbé vers l'échine, débouchent à la queue leu leu sur le fil et flairent le vent avec nonchalance.
Les voici donc bien vivants sous nos yeux, ces bouquetins rugueux et magnifiques, antiques témoins de l'aventure humaine, car leurs silhouettes apparaissent déjà sur les gravures pariétales vieilles de vingt mille ans. Mais cette présence est presque un miracle. Décimés depuis des siècles par une chasse d'autant plus âpre que leurs dépouilles étaient à la fois recherchées pour des raisons culinaires, magiques ou thérapeuthiques, les bouquetins furent sauvés par un édit de protection datant de 1821, puis par la création de la réserve royale du Grand Paradis en 1856, enfin par de généreuses initiatives, comme celle d'Andréa Rauch, simple garde à Pontresina dans l'Engadine, qui parvint de son côté à reconstituer des hardes importantes sur les flancs des Piz Albris et Linguards.
Peut-être n'est-il pas inutile de bien marquer les différences qui séparent les chamois, très connus, des bouquetins qui le sont moins. Les premiers (
Rupricapra rupricapra L.) sont intermédiaires entre les antilopes et les chèvres probablement émigrées en altitude à la fin de la période glaciaire. Les seconds (Capra ibex L.) sont les véritables boucs sauvages de rocher, parfaitement adaptés à cette rude existence parmi les abîmes et les frimas. Les documents reproduits dans cet ouvrage remplaceront avantageusement de plus longues descriptions. Outre la différence évidente des cornes, on peut remarquer l'allure beaucoup plus massive du bouquetin, donnant à la fois l'impression d'une grande force et d'une certaine lourdeur ; laquelle n'est d'ailleurs qu'illusoire, car son habilité à franchir les plus mauvais passages ne le cède en rien à celle du chamois. Il est en tout cas plus résistant, et se prélasse encore à haute altitude, dans les bises coupantes d'arrière-automne, quand les chamois se sont déjà réfugiés depuis belle lurette à la lisière des forêts. Enfin, ayant eu de nombreuses occasions de l'approcher et de l'observer de très près, j'ai tendance à le considérer comme plus intelligent que le chamois, bête fine, trépidante, perpétuellement sur le qui-vive, saisie de panique à tout propos et hors de propos. Le bouquetin, lui, réfléchit visiblement avant d'agir, ne se déplace qu'avec une honorable pondération, et cesse de s'émouvoir s'il se rend compte que le visiteur n'a pas d'intentions agressives. Il se contente alors de maintenir poliment mais fermement ses distances, broutant du bout des dents, guignant de l'oeil, un oeil très méphistophélique, et réglant sans en avoir l'air son allure sur la vôtre. Sa grande manifestation de mauvaise humeur, c'est de souffler trois ou quatre fois d'une narine méprisante du côté du gêneur, puis d'emettre une sorte de bref chuintement dont le sens à la longue devient aussi limpide qu'une eau de source. La chose signifie : "Allez-vous bientôt me laisser en paix ?" Traduction expurgée, cela va sans dire.
Cependant la harde sur l'arête humait l'abîme de ses larges naseaux. Puis deux jeunes esquissèrent
"une féroce bataille". Dressés sur leurs pattes de derrière, ils se laissaient retomber à la même seconde tête contre tête. Et le choc des deux fronts cuirassés de corne claquait comme une pétoire. Mais c'était, bien sûr, un combat pour rire. Car c'est au début de l'hiver, à l'époque du rut, qu'ont lieu les vraies bagarres entre mâles.
Puis toute la bande s'éclipsa derrière le promontoire avec la soudaineté de marionnettes. Je m'aperçus alors d'une nouvelle présence. A quelque distance, en pleine falaise déjà chauffée à blanc par le soleil, un vieux mâle, solitaire, formidablement encorné et boitant bas, se hissait péniblement de prise en prise vers le plateau supérieur. Son souffle rauque traversait l'étroit vallon. On l'appelait le
"Philosophe"."

Samivel – Grand Paradis.



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