Mardi 24 juin 2008
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Exposition
, à ne pas manquer !

"Vuillecin"

Exposition réalisée dans le cadre
d'un projet d'école

du Jeudi 26 au Samedi 28 juin 2008

à l'école de Vuillecin (Haut-Doubs)

J'y exposerai, à la demande d'une des institutrices,
quelques-une de mes photographies
prises exclusivement sur Vuillecin
(chevreuil, renard, martin-pêcheur, cigogne ...)



Ciel nuageux et temps gris !

Champ Pittet (Suisse)
Dimanche 1er juin 08 (matin)

et Maison du Bois (Haut-Doubs)
Dimanche 1er juin 08 (Après-midi)

Foulque macroule

Foulque macroule.

grenouille

Grenouille sp. et Nénuphar.

héron cendré au repos

Héron cendré et Foulque macroule au repos sur le tronc d'arbre.

héron cendré

Héron cendré perché sur un arbre mort.

rousserole turdoide

Rousserole turdoïde (un mâle), chantant à la cîme d'un Saule.

goéland en vol

Goéland sp. en vol.

cygne et son reflet

Cygne tuberculé et son reflet.

brocard

Brocard (chevreuil mâle), à la lisière de la forêt.

chevreuil mâle

Il est en train de perdre son pelage (grisâtre) d'hiver !



Petit texte :

"Clon-mac-noïse, février 1985

La rivière se love et sinue à fleur des prés couverts de gelée blanche. Elle est bordée de saules et de moutons couchés qui font deviner son cours imprévisible comme il doit l'être: un méandre de plus est ce qu'une rivière peut faire de mieux ; c'est d'ailleurs ce qu'on en attend. La route, elle aussi, étroite, bleue, brillante de glace, tourne sans rime ni raison là où elle pourrait filer droit et prend par la plus forte pente les tertres qu'elle devrait éviter. Elle n'en fait qu'à sa tête. Le ciel, gouverné par vent d'ouest, vient de faire sa toilette, il est d'un bleu dur. Le froid - moins quinze degrés - tient tout le paysage comme dans un poing fermé. Il faut conduire très lentement ; j'ai tout mon temps.

Quelles nouvelles de Clon-mac-noïse?

En voici de toutes fraîches

les renards sont au cimetière

et dévorent les restes humains.

(Anonyme, XIe siècle)

La route bute contre un mur qu'on escalade : derrière c'est une infinité de croix de pierre grise, moussues, couchées, dressées, plantées tout de guingois dans une herbe rase d'un vert indicible. A l'Ouest, le pré jonché de tombes descend vers une tour munie d'une seule ouverture à quatre mètres du sol et qui a la forme d'un crayon. Lorsque les Norses ou les Vikings battaient la campagne, les moines s'y réfugiaient, retiraient l'échelle et s'abîmaient en oraisons qui ne servaient à rien. Les païens entouraient ce refuge bruissant de voix inquiètes de fagots de ronces bien sèches et enfumaient comme blaireaux les assiégés en se saoulant énormément. Quels rires n'a-t-on pas dû faire là-dessous. Plus bas, c'est un coude de la rivière Shannon qui charrie des glaçons. Les roseraies gelées sifflent sous la bourrasque. Le vent arrache au fleuve des écharpes d'eau qui me cinglent la figure. Entre cette tour, ces tombes, quelques chicots d'églises romanes détruites, on voit paître des moutons, plutôt des zeppelins de laine à tête étroite et sotte montés sur des pattes si grêles que, partout ailleurs, ils seraient emportés comme flocons. Pas ici. Cet endroit n'est pas ordinaire : comme Delphes, comme Isé, c'est un lieu qui a sa charge, sa gravité, ses protections particulières, son histoire.

Tout commence au Ve siècle dans l'île d'Inishmore à l'ouest de l'Irlande où saint Enda aguerrit sa foi chrétienne par le jeûne et la mortification. Il gît face contre terre, en prière des heures durant, dans un ermitage de pierres sèches où vous ne logeriez pas une truie, exposé à d'horribles frimas. L'an 545, son disciple saint Ciaran qui a été élevé à cette rude école regagne la côte et fonde l'abbaye de Clon-mac-noïse sur une anse de cette rivière qui est alors l'unique voie de communication du pays. Sous la protection d'un chef de clan auquel il a promis la couronne d'Irlande - il l'aura bel et bien - et qui l'aide à poser la première poutre. Il y a ici une grande croix de pierre érodée par le vent où l'on distingue encore ce roi et ce saint titubant sous le poids d'une solive de chêne. La même année, saint Ciaran s'alite, confie aux moines qui l'entourent que "le chemin de l'au-delà est épouvantable (awful is the way to the world beyond )" et s'éteint. je le crois sur parole et sa franchise me plaît: il faut du caractère pour ne pas se mentir à cet instant-là. Un siècle et demi plus tard, Clon-mac-noïse, avec deux mille moines et moinillons, est la plus grande abbaye d'Europe, un des moyeux de la chrétienté, un Pierre-Latte mystique, la source d'une prédication qui va s'étendre partout. La règle monastique laissée par saint Ciaran est la plus dure du temps. Méditation, silence, lectures immenses, corvées de copistes à se faire sauter les prunelles, corvées de bûcherons à se rompre l'échine, un peu de mauvaise bière aux fêtes carillonnées. Dans les heures où elle est licite, la gaieté est dévastatrice. L'opulence est énorme : l'été 1149 sous un seul if frappé par la foudre on ramasse les cadavres de cent treize moutons. A cette époque on trouvait ici trois églises, des moulins, bergeries, caves, lavoirs, réfectoires, écuries, un scriptorium pour l'enluminure des manuscrits, un port et des vivres sur la Shannon. Ce rucher admirable excite les convoitises des Norses, Vikings, Normands, des clans irlandais rivaux qui sont les "renards" du poète. Entre le VIIe et le XVe siècle, l'abbaye est vingt fois pillée, brûlée, rasée et vingt fois reconstruite. Puis cette énergie terrible s'étiole et s'anémie: pendant huit cents ans, les Irlandais ont tout donné, ils en ont fait trop, ils récupèrent encore à l'heure où j'écris. Lorsqu'au XVIIe siècle, Cromwell passe ici en quête de quelques pans de murs à faire dégringoler - c'est sa marotte - il n'y a plus grand chose à détruire. Reste cette mystérieuse forêt de croix cerclées et penchées où les sépultures ont toujours été convoitées - saint Ciaran ayant affirmé que l'enfer ne connaissait pas les morts de Clon-mac-noïse - et obtenues par un système de privilèges familiaux et territoriaux si compliqué que même les attorneys du pays le plus procédurier du monde y perdraient leur mauvais latin. Les quelques épitaphes du vieux cimetière qu'on peut encore déchiffrer n'inspirent en tout cas aucune inquiétude quant au salut de ceux qui reposent ici. L'hiver 1985, une seule personne jouissait encore de ce privilège : une femme de quatre-vingt-dix-neuf ans, parce qu'elle était née dans le comté d'O'Fally. Depuis trente ans, les "nouveaux morts" sont enterrés dans un cimetière qui jouxte les limites de l'abbaye, sans aucune garantie céleste et dans des tombes au goût du jour, c'est à dire hideuses."

Nicolas Bouvier – Journal d’Aran et autres lieux.



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