Mardi 29 janvier 2008
Dernières images du site "Rencontres Sauvages" : 100
Si cette page ne s'affiche pas correctement, cliquez [ici]


"Goupil", le renard

Le Pertuis - Vuillecin
(Haut-Doubs)

En maraude.
Vendredi 28 décembre 2007

L'ombre.

Arrêt.

Que regarde-t-il ?... les chevreuils (ceux de la semaine dernière) qui passent au loin !

Repérage.
Lundi 31 décembre 2007

Bond.

En vol.

Chute sur le dos d'un campagnol ?...

Passage devant mon affût : Goupil entend bien le déclenchement de mon appareil
(qui est pourtant protéger par une "moufle-antibruit") mais ne me repére pas.



Petit texte :

"La tragique aventure de Goupil

I

C'était un soir de printemps, un soir tiède de mars que rien ne distinguait des autres, un soir de pleine lune et de grand vent qui maintenait dans leur prison de gomme, sous la menace d'une gelée possible, les bourgeons hésitants.
Ce n'était pas pour Goupil un soir comme les autres.
Déjà l'heure grise qui tend ses crêpes d'ombre sur la campagne, surhaussant les cimes, approfondissant les vallons, avait fait sortir de leur demeure les bêtes des bois. Mais lui, insensible en apparence à la vie mystérieuse qui s'agitait dans cette ombre familière, terré dans le trou du rocher des Moraies où, serré de près par le chien du braconnier Lisée, il s'était venu réfugier le matin, ne se préparait point à s'y mêler comme il le faisait chaque soir.
Ce n'était pourtant pas le pressentiment d'une tournée infructueuse dans la coupe prochaine au long des ramées, car Renard n'ignore pas que, les soirs de pleine lune et de grand vent, les lièvres craintifs, trompés par la clarté lunaire et apeurés du bruit des branches, ne quittent leur gîte que fort tard dans la nuit ; ce n'était pas non plus le froissement des rameaux agités par le vent, car le vieux forestier à l'oreille exercée sait fort bien discerner les bruits humains des rumeurs sylvestres. La fatigue non plus ne pouvait expliquer cette longue rêverie, cette étrange inaction, puisque tout le jour il avait reposé, d'abord allongé comme un cadavre dans la grand lassitude consécutive aux poursuites enragées dont il était l'objet, puis enroulé sur lui-même, le fin museau noir appuyé sur ses pattes de derrière pour le protéger d'un contact ennuyeux ou gênant.
Maintenant, sur les jarrets repliés, les yeux mi-clos, les oreilles droites, il se tenait figé dans une attitude héraldique, laissant s'enchaîner dans son cerveau, selon les besoins d'une logique instinctive, mystérieuse et toute-puissante, des sensations et des images suffisantes pour le maintenir, sans qu'aucune barrière tangible le retînt, derrière le roc par la fissure duquel il avait pénétré.
Cette caverne des Moraies n'était pas la demeure habituelle de Goupil : c'était comme le donjon où l'assiégé recherche un dernier refug, le suprême asile en cas d'extrême péril.
A l'aube encore ce jour-là, il s'était endormi dans un fourré de ronces à l'endroit même où il avait, d'un maître coup de dent, brisé l'échine d'un levraut rentrant au gîte et de la chair duquel il s'était repu.
Il y sommeillait lorsque le grelot de Miraut, le chien de Lisée, le tira sans ménagements du demi-songe où l'avaient plongé la tiédeur d'un soleil printanier et la tranquilité d'un appétit satisfait.
Parmi tous les chiens du canton qui tour à tour, au hasard des matins et à la faveur des rosées d'automne, lui avaient donné la chasse, Goupil ne se connaissait pas d'ennemi plus acharné que Miraut. Il savait, l'ayant éprouvé par de chères et dures expériences, qu'avec celui-là toute ruse était inutile ; aussi dès que le timbre de son aboi ou le tintement du grelot décelaient son approche, filiait-il droit devant lui de toute la vitesse de ses pattes nerveuses, et, pour dérouter Lisée, contrairement aux instincts de tous les renards, contrairement à ses habitudes, il allait au loin faire un immense contour, suivait des chemins à la façon des lièvres, puis, revenu vers les Moraies, dévalait à toute vitesse le remblai de pierres roulantes aboutissant à son trou, certain que ses pattes n'avaient pas laissé à son ennemi le fret suffisant pour arriver jusqu'à lui.
C'était là sa dernière tactique que nul évènement fâcheux ne lui avait fait modifier encore, et ce jour-là, comme à l'ordinaire, elle lui avait réussi ; mais Goupil n'avait pourtant pas l'esprit tranquille, car, à quelques dizaines de sauts du sentier, il lui avait semblé voir, dissimulée derrière le fût d'un foyard, la stature du braconnier Lisée, le maître de Miraut.
Goupil le connaissait bien : mais il n'avait pas cette fois tressauté au tonnerre du coup de fusil qui signalait chaque rencontre des deux ennemis ; il n'avait pas entendu siffler à ses oreilles le vent rapide et cinglant des plombs, de ces plombs qui vous font, malgré la toison d'hiver, des morsures plus cuisantes et plus profondes que celles des grandes épines noires. Il doutait, et de cette incertitude était née l'inquiètude vague, l'instinct préservateur qui, avant la douloureuse évidence, le maintenait dans la caverne au bord du danger pressenti.
Terré au plus profond du roc, il avait perçu des bruits suspects qui pouvaient bien, à la rigueur, n'être que le roulement des derniers cailloux ébranlés sous ses pattes, mais un bâti étrange, qu'il n'avait jamais remarqué, semblait démentir cette facile explication.
Goupil flairait un piège. Goupil était prisonnier de Lisée.
"

De Goupil à Margot - Louis PERGAUD



Voir la liste des anciens numéros de "Dernières Images" (les archives) : cliquez [ici]

Site internet : Rencontres sauvages

Me contacter : pascal@pascal-marguet.com

Calendrier 2008 : Pour le télécharger directement au format pdf (900 ko), cliquez [ici]

 

Pour vous désinscrire, vous pouvez m'envoyer un e-mail (en répondant à ce message) avec pour objet "désinscription",

ou en cliquant

[ici]