Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°969 (2025-16)

mardi 22 avril 2025

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
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Karl JENKINS - The Armed Man
Benedictus

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Premières fleurs

La Rivière-Drugeon, Frasne, Courvières,
Chapelle d'Huin (Haut-Doubs)
février et mars 2024



Nivéole
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)
vendredi 21 février 2025


Nivéole
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs)

vendredi 21 février 2025


Lichen Xanthoria parietina
Frasne (Haut-Doubs)
samedi 1er mars 2025




Fleur femelle de Noisetier
Frasne (Haut-Doubs)
samedi 1er mars 2025

Fleur mâle de Noisetier
Frasne (Haut-Doubs)
samedi 1er mars 2025



Première Pâquerette
Frasne (Haut-Doubs)
samedi 1er mars 2025

Je ne sais rien des enfers que tu as dû traverser pour arriver jusqu'à moi. La pluie bâtit autour de ton visage son monastère de gouttes d'eau. Par beau temps tu me fixes du rayon de tes yeux. Je lis devant la fenêtre. Si pour te voir je lève la tête du livre, je ne sais plus revenir à lui.

Une marguerite seule avec son feu blanc dans l'océan d'un pré, qui s'en soucie ? Je puise dans la vision les forces nécessaires pour résister au monde. J'ai pensé que nous pouvions, maintenant que tout est détruit de la vie ancienne, reprendre l'alphabet de l'éternel. Tu en serais la première lettre. La roue du monde passe indifférente sur les cris des prophètes. Une seule chose la voile : qu'il reste ici-bas quelque chose de silencieux et de pur.

Le ciel repose sur ta tête pâle et lumineuse. Tout ce que j'aime dans cette vie – les nuits d'été, le sommeil des renards, le silence des penseurs, - absolument tout repose sur l'étoile blanche de tes pétales.

Personne n'a aujourd'hui plus mauvaise réputation qu'une petite fleur.

Très humble, douce et ferme marguerite, je salue en toi l'espérance réalisée d'un monde ressuscité, l'entrée en force d'une lumière dans mon âme délivrée.

Christian BOBIN - La grande vie




Violette sp.
Chapelle d'Huin (Haut-Doubs)
dimanche 9 mars 2025

Feuille de Ronce
Chapelle d'Huin (Haut-Doubs)
dimanche 9 mars 2025

Mercuriale
Chapelle d'Huin (Haut-Doubs)
dimanche 9 mars 2025




Anémone sylvie
Chapelle d'Huin (Haut-Doubs)
dimanche 9 mars 2025



Potentille faux fraisier - Potentilla sterilis
Chapelle d'Huin (Haut-Doubs)
dimanche 9 mars 2025


Mousse
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
mardi 18 mars 2025

Drave printanière - Erophila verna
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
mardi 18 mars 2025

Jonquille
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
mercredi 19 mars 2025



Cardère
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
mercredi 19 mars 2025

Véronique
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
mercredi 19 mars 2025



Drave printanière
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
mercredi 19 mars 2025



Tapis de Drave printanière
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
mercredi 19 mars 2025



Jonquille
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs), Jardin de curé
vendredi 21 mars 2025



Crocus (cultivé)
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs), Jardin de curé
vendredi 21 mars 2025



Scille à deux feuilles (fleurs blanches)
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs), Jardin de curé
vendredi 21 mars 2025



Scille à deux feuilles (fleurs bleues)
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs), Jardin de curé
vendredi 21 mars 2025



Hépatique à trois lobes - Hepatica nobilis
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs), Jardin de curé
vendredi 21 mars 2025



Linaire cymbalaire - Cymbalaria vulgaris
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs), Jardin de curé
vendredi 21 mars 2025

Anémone sylvie - Anemone nemorosa
Bouverans (Haut-Doubs), Entonnoir
vendredi 21 mars 2025

Crocus (fleur blanche) - Crocus albiflorus
Entre Frasne et Courvières (Haut-Doubs)
samedi 22 mars 2025



Anémone sylvie

Entre Frasne et Courvières (Haut-Doubs)
samedi 22 mars 2025



Crocus (fleur violette) - Crocus albiflorus
Entre Frasne et Courvières (Haut-Doubs)
samedi 22 mars 2025



Corydale sp.
Entre Frasne et Courvières (Haut-Doubs)
samedi 22 mars 2025



Bois-joli - Daphne mezereum
Entre Frasne et Courvières (Haut-Doubs)
samedi 22 mars 2025



Tussilage
Entre Frasne et Courvières (Haut-Doubs)
samedi 22 mars 2025



Scille à deux feuilles (fleurs blanches) - Scilla bifolia
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs), Jardin de curé
dimanche 23 mars 2025



Perce-neige

La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs), Jardin de curé
dimanche 23 mars 2025



Hépatique à trois lobes
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs), Jardin de curé
dimanche 23 mars 2025



Fritillaire pintade - Fritillaria maleagris
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs), Bord du Drugeon
dimanche 23 mars 2025



Chatons de Saule sp.
La Rivière-Drugeon (Haut-Doubs), Bord du Drugeon
dimanche 23 mars 2025



Lierre terrestre - Glechoma hederacea
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
vendredi 28 mars 2025



Drave printanière (sous la rosée)
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
vendredi 28 mars 2025



Paquerette (givrée) - Bellis perennis
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
vendredi 28 mars 2025



Lierre terrestre - Glechoma hederacea
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
vendredi 28 mars 2025








Anémone sylvie
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 30 mars 2025








Crocus (violet)
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 30 mars 2025









Anémone sylvie
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 30 mars 2025





Anémone sylvie
Courvières (Haut-Doubs)
dimanche 30 mars 2025




Suggestion de lecture :

"1

L’aîné

Un jour, dans une famille, est né un enfant inadapté. Malgré sa laideur un peu dégradante, ce mot dirait pourtant la réalité d’un corps mou, d’un regard mobile et vide. « Abîmé » serait déplacé, « inachevé » également, tant ces catégories évoquent un objet hors d’usage, bon pour la casse. « Inadapté » suppose précisément que l’enfant existait hors du cadre fonctionnel (une main sert à saisir, des jambes à avancer) et qu’il se tenait, néanmoins, au bord des autres vies, pas complètement intégré à elles mais y prenant part malgré tout, telle l’ombre au coin d’un tableau, à la fois intruse et pourtant volonté du peintre.

Au départ, la famille ne discerna pas le problème. Le bébé était même très beau. La mère recevait des invités venus du village ou des bourgs environnants. Les portières des voitures claquaient, les corps se dépliaient, risquaient quelques pas chaloupés. Pour arriver jusqu’au hameau, il avait fallu rouler sur des routes minuscules et sinueuses. Les estomacs étaient retournés. Certains amis venaient d’une montagne toute proche, mais ici, « proche » ne voulait rien dire. Pour passer d’un endroit à un autre, on devait monter puis redescendre. La montagne imposait son roulis. Dans la cour du hameau, on se sentait parfois cerné par des vagues énormes, immobiles, mousseuses d’une écume verte. Lorsque le vent se levait et qu’il secouait les arbres, c’était un grondement d’océan. Alors la cour ressemblait à une île protégée des tempêtes.

Elle s’ouvrait par une épaisse porte en bois, rectangulaire, plantée de clous noirs. Une porte médiévale, disaient les connaisseurs, probablement fabriquée par les ancêtres qui s’étaient installés en Cévennes depuis des siècles. On avait bâti ces deux maisons, puis l’auvent, le four à pain, la bûcherie et le moulin, de part et d’autre d’une rivière, et l’on pouvait entendre les soupirs de soulagement dans les voitures lorsque la route étroite devenait petit pont et qu’apparaissait la terrasse de la première maison qui donnait sur l’eau. Derrière elle, en enfilade, se tenait l’autre maison, où était né l’enfant, nantie de la porte médiévale dont la mère avait ouvert les deux battants afin d’accueillir les amis et la famille. Elle proposait du vin de châtaignes que la petite assemblée buvait, extatique, dans l’ombre de la cour. On parlait doux pour ne pas brusquer l’enfant si sage dans son transat. Il sentait bon la fleur d’oranger. Il semblait attentif et tranquille. Il avait les joues rondes et pâles, des cheveux bruns, de grands yeux noirs. Un bébé de la région, qui lui appartenait. Les montagnes ressemblaient à des matrones veillant sur le transat, les pieds dans les rivières et le corps nappé de vent. L’enfant était accepté, semblable aux autres. Ici les bébés avaient les yeux noirs, les vieux étaient minces et secs. Tout était dans l’ordre.


Au bout de trois mois, on s’aperçut que l’enfant ne babillait pas. Il demeurait silencieux la plupart du temps, sauf pour pleurer. Parfois un sourire se dessinait, un froncement de sourcils, un soupir après le biberon, un sursaut lorsqu’une porte claquait. C’était tout. Pleurs, sourire, froncement, soupir, sursaut. Rien d’autre. Il ne gigotait pas. Il restait calme – « inerte », pensaient ses parents sans le dire. Il ne manifestait aucun intérêt pour les visages, les mobiles suspendus, les hochets. Surtout, ses yeux sombres ne se posaient sur rien. Ils semblaient flotter puis ils s’échappaient sur le côté. De là, les prunelles virevoltaient, suivant la danse d’un insecte invisible, avant de se fixer à nouveau dans le vague. L’enfant ne voyait pas le pont, les deux maisons hautes ni la cour, séparée de la route par un très vieux mur de pierres rousses, érigé là depuis toujours, mille fois démoli par les orages ou les convois, mille fois reconstruit. Il ne regardait pas la montagne à la peau râpée, le dos planté d’un nombre infini d’arbres, fendue d’un torrent. Les yeux de l’enfant caressaient les paysages et les gens. Ils ne s’attardaient pas.

Un jour, alors qu’il se reposait dans son transat, sa mère s’agenouilla. Elle tenait une orange. Doucement, elle passa le fruit devant lui. Les grands yeux noirs n’accrochaient rien. Ils regardaient autre chose. Personne n’aurait su dire quoi. Elle passa encore l’orange, plusieurs fois. Elle tenait la preuve que l’enfant voyait mal ou pas du tout.

On ne saura rien des courants qui, à cet instant, traversent le cœur d’une mère. Nous, les pierres rousses de la cour, qui faisons ce récit, nous nous sommes attachées aux enfants. C’est eux que nous souhaitons raconter. Enchâssées dans le mur, nous surplombons leurs vies. Depuis des millénaires, nous sommes les témoins. Les enfants sont toujours les oubliés d’une histoire. On les rentre comme des petites brebis, on les écarte plus qu’on ne les protège. Or les enfants sont les seuls à prendre les pierres pour des jouets. Ils nous nomment, nous bariolent, nous couvrent de dessins et d’écritures, ils nous peignent, nous collent des yeux, une bouche, des cheveux d’herbe, nous empilent en maison, nous lancent pour faire un ricochet, nous alignent en limites de goal ou en rails de train. Les adultes nous utilisent, les enfants nous détournent. C’est pourquoi nous leur sommes profondément attachées. C’est une question de gratitude. Nous leur devons ce récit – chaque adulte devrait se souvenir qu’il est redevable envers l’enfant qu’il fut. C’est donc eux que nous regardions lorsque le père les convoqua dans la cour.

Les chaises en plastique raclèrent le sol. Ils étaient deux. Un frère aîné, une sœur cadette. Bruns aux yeux noirs, forcément. L’aîné, du haut de ses neuf ans, se tenait droit, le torse légèrement bombé. Il avait les jambes maigres et dures des enfants d’ici, couvertes de croûtes et de bleus, des jambes qui avaient l’habitude de grimper, connaissaient les pentes et les griffures des genêts. D’instinct, il posa sa main sur l’épaule de sa sœur en un réflexe de protection. Il était arrogant ; mais cette arrogance coulait directement d’un idéal très haut, romantique, qui plaçait l’endurance au-dessus de tout, et cela le différenciait des prétentieux. Intransigeant, il veillait sur sa cadette, imposait ses règles équitables à leurs nombreux cousins, exigeait de ses camarades courage et loyauté. Ceux qui ne prenaient aucun risque, ou affichaient un record sur son baromètre intime de lâcheté, récoltaient son dédain, et ce de façon irréversible. D’où lui venait cette assurance, personne n’aurait su le dire, sauf à penser que la montagne avait infusé en lui une forme de dureté. Nous avons eu maintes fois l’occasion de le vérifier : les gens sont d’abord nés d’un lieu, et souvent ce lieu vaut pour parenté.

Ce soir-là, face à son père, l’aîné se tint droit, le menton frémissant, invoquant au fond de lui ses valeurs chevaleresques. Mais il n’eut pas besoin de serrer les poings. D’une voix posée, le père leur expliqua que leur petit frère serait sans doute aveugle. Les rendez-vous médicaux étaient pris, la famille serait fixée d’ici deux mois. Il fallait prendre cette cécité comme une chance car eux, l’aîné et la cadette, seraient les seuls de leur école à savoir jouer aux cartes en braille.

Les enfants sentirent un voile d’inquiétude, vite balayé par cette perspective de célébrité. Présentée ainsi, l’épreuve avait du charme. Aveugle, quelle importance ? Ils seraient les rois de la récré. L’aîné y voyait une logique naturelle. Il était déjà le seigneur de l’école, sûr de lui, de sa beauté, de son aisance, et son caractère taiseux épaississait son aura. Il passa donc le dîner à négocier avec sa sœur afin d’être le premier qui montrerait les cartes à sa classe. Leur père arbitra, joua le jeu. Personne ne comprit réellement qu’à cet instant-là, une fracture se dessinait. Bientôt, les parents parleraient de leurs derniers instants d’insouciance, or l’insouciance, perverse notion, ne se savoure qu’une fois éteinte, lorsqu’elle est devenue souvenir.

Très vite, les parents s’aperçurent que le bébé n’était pas tonique. Sa tête tombait comme celle d’un nouveau-né. Il fallait toujours une main sur sa nuque. Ses bras et ses jambes restaient allongés, sans force aucune. Sollicité, il ne tendait pas ses mains, ne répondait pas, n’essayait pas de communiquer. Son frère et sa sœur eurent beau agiter des grelots, des jouets de couleur vive, l’enfant ne saisissait rien, les yeux ailleurs.

« Un être évanoui avec les yeux ouverts, résuma le frère aîné à la cadette.

Ça s’appelle un mort », rétorqua-t-elle malgré ses sept ans..."


Clara DUPONT-MONOD - S'adapter


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