Le Trochiscanthe nodiflore [TN]

n°956 (2025-03)

mardi 21 janvier 2025

"Lettre hebdomadaire" du site "Rencontres Sauvages"
explications sur le nom de cette lettre : [ici] ou [ici]
Si cette page ne s'affiche pas correctement, cliquez [ici]


 
GF HAENDEL - The Triumph of Time and Truth HWV 71
"Guardian Angels, Oh, Protect me"

Pour regarder et écouter,
cliquez sur la flèche au centre de l'image...



ou cliquez [ici]


 
Mésanges : bleue et charbonnière

Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
novembre et décembre 2024



Mésange charbonnière
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
samedi 16 novembre 2024



Mésange bleue
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
samedi 16 novembre 2024


Mésange bleue
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
samedi 16 novembre 2024

Mésange charbonnière
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
samedi 16 novembre 2024

<image recadrée>

Mésange bleue
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
samedi 16 novembre 2024



<image recadrée>



Mésange bleue
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 17 novembre 2024



Mésange bleue
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
samedi 23 novembre 2024





Mésange charbonnière
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 24 novembre 2024





Mésange charbonnière
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
mercredi 27 novembre 2024



Mésange charbonnière
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
samedi 30 novembre 2024



Mésange charbonnière
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 1er décembre 2024



Mésange charbonnière
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
vendredi 13 décembre 2024



Mésange bleue
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
mercredi 25 décembre 2024



Mésange charbonnière
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
samedi 28 décembre 2024



Mésange charbonnière
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 29 décembre 2024



Mésange charbonnière mâle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 29 décembre 2024



Mésange charbonnière femelle
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
dimanche 29 décembre 2024



Mésange charbonnière dans le givre
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
lundi 30 décembre 2024



Mésange bleue dans le givre
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
lundi 30 décembre 2024

Mésange charbonnière
Courvières (Haut-Doubs), Champ-Margot
lundi 30 décembre 2024

 


Suggestion de lecture :

"

1 –

Un peu avant l’enfer,

dans une forêt de Rautjärvi,

village de Finlande.

 

Aux herbes écrasées, aux branches cassées, aux touffes de pelage accrochées aux épines des genévriers, aux empreintes enfoncées dans la terre et dont la partition racontait aussi bien qu’un fléchage le chemin de ceux qui les avaient laissées, sans un bruit, Simo lisait la forêt.

Il entendait la respiration des arbres dans le vent, le pouls de leur sève, le bruissement du pas des animaux sur les feuilles sèches, le frottement de leur cuir contre l’écorce et leur cœur palpitant. Pour celui qui la connaît, il n’est pas de silence plus bruyant que celui de la forêt. Il n’y pénétrait jamais en prétention, il y était invité. Invité seulement. Et pour ne pas lui faire offense, il n’en prélevait que ce dont il avait besoin. Parfois un élan, une autre fois un loup, une perdrix, un corbeau ou un de ces furets dont les fourrures très prisées avaient orné toutes les capes des rois de France.

Au stand de tir de la Garde civile finlandaise, Simo devait, pour viser juste, plonger en lui-même et faire abstraction de tout ce qui l’entourait. Mais ici, il était aux aguets de chaque murmure, de chaque silence, de chaque course et de chaque envol.

À vingt mètres devant lui, le pelage feu d’un renard jura parmi les épines vertes des branches tombantes d’un vieil épicéa. Le corps de l’animal se gonflait légèrement à sa respiration. Simo contrôla la sienne et la cala sur celle de sa proie. Un instant, ils respirèrent à l’unisson, le temps que le jeune homme devienne l’animal qu’il visait, jusqu’à deviner ses futurs mouvements. Le renard flaira le sol et huma l’air, cherchant pourquoi son instinct le mettait en garde sans en trouver la cause et s’approchant d’un terrier, laissa tomber de sa gueule le corps inerte d’un merle noir. À vingt-trois mètres exactement.

Nul homme n’est plus habile que celui qui, par les leçons de son père, acquiert l’art de faire, et Simo avait appris du sien l’art d’estimer les distances, suivant une pédagogie qui lui était propre.

– Combien ? demandait-il à son fils encore enfant, en pointant le tronc calciné d’un arbre qu’un éclair avait brisé à hauteur d’homme l’été précédent.

Simo donnait alors son estimation, puis se rendait à pied jusqu’au tronc en comptant ses pas et se plaçait derrière.

– La balle fait une parabole. Si ton estimation est plus courte d’un mètre, l’ogive se fichera dans le sol. Mais si ton estimation est plus longue d’un mètre ou deux, elle se logera dans ton ventre, promettait-il avec sérieux.

La menace n’était bien sûr jamais mise à exécution. Pourtant, quand Simo se trompait, les mots de son père ne le blessaient pas moins qu’une balle :

– Tu es mort, fils. Allons manger.

*
* *

Ainsi, aux heures de repos, juste après le repas, quand d’autres faisaient la sieste pour détendre leurs corps meurtris du travail des champs et de la ferme, Simo attrapait sa paire de bottes, ou décrochait sa paire de skis si l’hiver le demandait, puis fonçait vers la forêt pour disparaître dans ce vert profond, premier, d’où avaient dû naître un jour toutes les autres nuances de vert. Il s’installait là où ses pas le menaient, choisissait un point remarquable, estimait la distance qui l’en séparait et la vérifiait ensuite en comptant le nombre d’enjambées. Il appliquait cette même routine tous les jours, de toutes les semaines et de tous les ans, depuis qu’il avait eu un fusil entre les mains.

– Ce renard. Combien ? entendit-il dans sa tête la voix de son père.

Simo posa doucement son index sur la queue de détente puis fit pression, toujours un peu plus fort… Mais juste avant que le coup de feu détonne et alerte la forêt, une truffe noire sortit du terrier, puis une renarde entière, aux mouvements patauds et fatigués, le ventre lourd d’une grossesse qui courbait sa colonne vers le sol.

Simo relâcha la pression de son doigt et recula doucement jusqu’à disparaître. Mais qu’on ne donne pas à cet acte la mansuétude qui ne lui revient pas. Il ne les avait pas épargnés, il avait remis leur rencontre à plus tard. Ce sont deux choses distinctes que de pouvoir ou de devoir.

Pouvoir tirer ou devoir tirer. Pouvoir tuer ou devoir tuer.

*
* *

De retour à la ferme, une perdrix grise et grasse dans sa besace, Simo posa son fusil déchargé contre le mur de pierre, accrocha sa veste en lourd coton à la patère et s’assit devant une assiette de biscottes beurrées et sucrées que l’on avait posée là pour lui. Avant de manger, il laissa les flammes de la cheminée réchauffer son dos et dénouer ses muscles. Allongé à ses pieds sur le sol pavé, le chien de la famille lançait ses pattes en avant dans la course imaginaire de son rêve.

– Toivo et Onni sont passés te voir, annonça sa mère sans quitter des yeux son ouvrage, deux longues aiguilles en main, le corps enfoncé dans les coussins d’un fauteuil qui devait avoir son âge.

Simo haussa les épaules. Toivo et Onni étaient ses voisins et amis depuis leur tendre enfance. Ils se verraient quand ils se verraient. Rien ne pressait.

– Onni nous a montré sa bague, poursuivit-elle, innocemment. Il nous a même dit qu’il mettrait un genou à terre.

Devant le feu bienveillant, les nièces de Simo, l’une haute comme ça et l’autre pas bien plus grande, se tressaient tour à tour, disposant quelques fleurs dans leurs cheveux blonds. Et puisque la conversation prenait une direction que tout le monde ici connaissait, elles imitèrent une voix adulte pour répéter ces reproches entendus si souvent.

– Simo Matinpoika Häyhä, ce n’est pas en passant tes journées dans la forêt que tu vas trouver une amoureuse, dit l’aînée.

– Sauf bien sûr si tu veux épouser une biche, ajouta la cadette.

– Veux-tu épouser une biche, Simo ? conclurent-elles à l’unisson.

Encore une seconde, et le jeune homme les poursuivrait dans le salon afin de leur faire payer leur insolence. Il déferait leurs coiffures en ignorant leurs rires et leurs suppliques, et la journée reprendrait son cours. Mais à cette seconde, le père entra dans la cuisine et s’installa à la table, ramenant le calme par sa simple présence. Les nièces riaient encore, et d’un regard, Simo leur assura qu’il n’en avait pas fini avec elles.

Le père soupesa la perdrix encore tiède dont le sang avait déjà séché autour du trou laissé par la balle qui l’avait traversée. Satisfait, il reposa la bête. Il souffla doucement sur les quelques plumes de duvet restées au creux de sa main, puis se tourna vers Simo.

– Es-tu prêt pour demain ?

Simo regarda son arme, son père ensuite, et ce dernier voulut sans attendre effacer le sourire présomptueux de son fils.

– Il faudra faire honneur à Rautjärvi, car ils seront mille sept cents contre toi…

Mais le sourire devint plus grand encore..."

Olivier NOREK - Les guerriers de l'hiver


Voir la liste des anciens numéros du"Trochiscanthe nodiflore" (les archives) : cliquez [ici]

Site internet : Rencontres sauvages

Me contacter : pascal@pascal-marguet.com

Calendrier 2024 : Pour le télécharger directement au format pdf (1300 ko), cliquez [ici]

 

Pour vous désinscrire, vous pouvez m'envoyer un e-mail (en répondant à ce message) avec pour objet "désinscription",

ou en cliquant

[ici]

Rejoignez-moi sur "FaceBook" en cliquant sur le lien suivant :

[http://www.facebook.com/marguet.pascal.1654]

Rejoignez-moi sur "Instagram" en cliquant sur le lien suivant :

[https://www.instagram.com/marguet_pascal/]